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Là, pour le coup, j’étais fait au pattes. En deux mots, j’étais prêt à partir à la pêche quand les invités m’ont imploré : « Ce serait tellement gentil si tu amenais la petite Elsa avec toi. Malgré ses six ans elle est très indépendante. N’ai pas peur, elle ne te fera pas chier, ça c’est promis. Tout ce qui l’intéresse, c’est de ramasser les grenouilles pour son vivarium. » Moi, j’étais prêt à leur dire qu’il y a des choses sacrées dans la vie, comme la pêche par exemple et qui n’était pas question d’emmener une gamine avec moi, même si la gamine était mignonne comme un cœur avec des yeux grands comme les yeux de ces personnages dessinés dans les livres pour enfants. Et puis, mon adorable femme s’est ligué contre moi avec son sourire imparable : « Flèche, allez, soit gentil, amène la petite Elsa, elle va adorer la rivière ! » J’étais cuit et, cinq minutes après nous voilà donc tous les deux dans la bagnole. Bon, pensais-je, ce coin-là… Non, trop dangereux. Celui-là… Ah  peut-être, ça pourrait faire l’affaire. Le Moulin ? Àh oui, ce serait parfait. La gamine pourrait barboter et moi je pourrais pêcher tout en ayant un oeil sur elle. Et tout d’un coup, sans prévenir, sans crier gare, la petite ouvre le bec et me sort un truc qui a bien failli nous flanquer dans le fossé « Dis moi, Flèche. J’ai une question à te  poser. Qu’est-ce que tu penses des gens qui s’embrassent le zizi. C’est pas un peu dégoûtant de faire des trucs comme ça ?«  Texto. Juré que c’est la vérité. Croix de bois croix de fer ! Bon. Du calme. On reprend ses esprits et surtout on essaie de pas déconner. Cette gamine a visiblement une totale confiance en moi je n’ai pas le droit de raconter des salades, de lui mentir, de changer de conversation. J’ai dû avoir ce moment-là des gouttes de sueur de plusieurs litres sur le front et finalement, je lui dis presque en tremblant, tellement la pression était forte : « Tu sais, Elsa, quand on aime quelqu’un, c’est bien de l’embrasser partout ! ». Ouf ! Je pensais m’en être bien sorti, toujours est-il que cette réponse a eu l’air de la satisfaire. Ensuite nous sommes descendus à la rivière et là, la mignonnette s’est mise à chasser ses grenouilles comme si de rien n’était. Et moi, à pêcher, un œil sur Elsa , l’autre sur mes mouches et tout s’est bien déroulé comme m’avaient prévenu ses parents. Vingt ans ont passé (bien trop vite) et la semaine dernière, nous nous sommes tous retrouvés à dîner autour d’une table. Pensez bien que je n’avais pas oublié cette histoire aussi,  je l’ai raconté et à la fin j’ai demandé à Elsa, jolie femme s’il en est, si elle s’en rappelait. Pas le moindre souvenir. Rien. J’ai eu l’air d’un imbécile essayant de faire croire à une histoire cochonne improbable.

Une aveugle confiance en la jeunesse peut, sans nul doute, nous entraîner dans de fâcheux travers: meurtres, trafic de drogues, mensonges et, pire encore: pêche à l’asticot.        ————————————ENGLISH—————————————

There it was, I was cornered… ready to leave for fishing when our guests begged me: « Fleche, it would be so nice if you take little Elsa with you. She may be only six years old but she’s entirely independent. Don’t worry, I promise, she won’t be a pain in the neck. She’s only interested in collecting frogs for her terrarium. »

For my part I was ready to enumerate the things in life that are sacred, like fishing, for example. It was out of the question that I take a little girl fishing with me, even an absolutely  adorable little girl with big round eyes like the characters in books illustrated for children. And then my wife joined the forces against me and with her irresistible smile: « C’mon Fleche, be nice, take little Elsa to the river with you, she’ll love it!. »

I was cooked. Five minutes later there we were, the two of us.  OK, I thought, where shall we go?  The usual spot? No too dangerous; the other… maybe that would do; what about the mill? Ah, yes, that’ll be perfect. The child can splash around in the water and I can keep an eye on her while fishing.

Suddenly, without warning, straight out of the mouths of babes comes something that almost drove me into the ditch. « Tell me Fleche, I have a question for you. What do you think about people who kiss your penis? Isn’t it sort of disgusting to do things like that? »  Verbatim. it’s the absolute truth. I swear to god. OK, calm down. Let’s get serious; there’s no room for wisecracks. Clearly this child has complete confidence in me; I don’t have the right jerk around, neither to change the conversation, nor to lie. At that moment I must have had several quarts of sweat rolling down my face when finally, trembling from the stress, I said: « You know Elsa, when people love each other it’s so nice to kiss them all over. » Ouf! I think I got around that one. Anyway, my answer seemed to satisfy her.

Then we went down to the river and there the little cutie started chasing frogs as though nothing had transpired. I was fishing with one eye on Elsa and the other on my flies and all went agreeably, as her parents had predicted.

Twenty years have passed (much too fast) and last week we found ourselves together again around a dinner table. As you can imagine, I hadn’t forgotten the events of that day and there at the dinner table I recounted the story.  When I finished I asked Elsa, a beautiful woman if there ever was one, if she remembered that day. Not the least memory. Nothing. I looked like a fool trying to make them believe an improbable salacious story.

Blind confidence in the young can, without doubt, take us down dubious paths of: murdering, drug dealing, lying, and worse yet… fishing with worms.