Ce matin je change de guide je pars avec Ednilson qui est le capitaine du Kalua dans la vraie vie mais aussi un dingue de pêche. Notre mission explorer des cours d’eau qu’on ne pêche pas d’habitude ! Plutôt motivant…
La journée commence par une étude méticuleuse des cartes qui sont des copies d’écran de Google Earth, précieusement rangées dans un classeur en plastique. Le temps est d’ailleurs à la pluie…
Nous naviguons plus d’une heure en remontant une énième rivière. Rien que la nature, pas une maison, ni signe de présence humaine. Et la pluie qui par intermittence s’écrase impitoyable cascade tropicale…
Ce ne sont plus que quelques gouttes quand Ednilson commence la prospection. C’est un pêcheur au lancer affirmé avec une vraie tête d’indien. Son truc : le petit leurre, la canne de mon compagnon ploie d’ailleurs sous les coups de tête d’un premier tucunaré. Lance au même endroit ! me crie Ednilson en immobilisant son poisson au dessus des ouïes. Je m’exécute et en effet je vois un deuxième poisson courir derrière mon leurre. Je relance à nouveau, même scénario mais petit bouillon juste avant ma canne qui ploie aussi.
C’est une des clés de la pêche du tucunaré : continuer à pêcher un post où on a pris du poisson. Le peacock a l’esprit de famille et elle est parfois très grande !
Nous dérivons toujours vers l’aval mais les touches se font plus rares. Ednilson décide d’aller prospecter les zones inondées sur les bords du fleuve, des sortes de marais peu profond avec des petits arbres suffisamment espacés pour pouvoir lancer. Enfin je suis toujours un peu handicapé avec cette canne de casting que j’essaie de maitriser. Malheureusement mes lancers sont souvent foireux et dois jouer les bucherons. Avec une tresse de 50lbs on a pas peur de tirer sur la ligne quand le leurre est dans un arbre !
A maintes reprises le leurre se décroche et part dans ma direction à la vitesse d’une flèche. Fais gaffe, rigole Ednilson…
Nous rentrons dans une de ces clairières inondées. Quel décor surréaliste ! Pêcher en Amazonie c’est constamment se retrouver dans des lieux différents, avec d’une rivière à l’autre des arbres et des fleurs qui peuvent varier à l’infini. Et les poissons sont potentiellement partout derrière chaque arbuste, et il y en a tant… Powerfishing à outrance.
Je fais des lancers arbalètes qui atterrissent au creux des cavités. Le peacock n’a pas laissé de temps à l’intrus, la canne est plié, le moulinet gueule. Bon coup de tête du tucunaré ! Ednilson lance derrière, touche ferrage, je décroche le mien relance retouche, les deux cannes combattent… nous en prendrons 8 d’affilée mais ça aurait pu être 15 ! Des poissons de 2 ou 3 lbs. Maintenant je sais qu’on peu parler de « bancs » de peacocks, c’est stimulant !
On doit être sur l’Equateur. Peut être que toi tu es dans l’hémisphère Nord et moi toujours au Sud, note Ednilson avec sourire en choisissant un leurre encore plus mâchonné que le précédent. Le mien vient juste de s’accrocher dans une branche. C’est quoi cette histoire d’Equateur ?? bramais je tout en tirant sur ma tresse comme un acharné. Mais comment est-ce poss… ? commençais je naïvement. Pas le temps de finir le cours de géographie que le leurre s’est décroché et se précipite à 240 km/heure sur moi. Pas le temps de bouger non plus. Vlloff ! je sens l’impact dans le bas de mon t-shirt.
Un des hameçons du triple est rentré dans la chair. Heureusement la graisse protège de la douleur… Ednilson m’envoie un morceau de glace que je dois presser au dessus de la blessure. Il faut couper le t-shirt mais surtout retirer l’hameçon de l’anneau brisé. Là ça commence a tancer un peu…
Apres 3 minutes Ednilson qui continue à bavarder me dit : Ok presse bien le morceau de glace ! Oui pas de prob.. En un éclair la pince a arraché de la chair l’hameçon, la douleur est noyée par l’anesthésie du froid. Un filet de sang coule, l’autre se marre : Garde le glaçon.. tu veux continuer à pêcher ?
Je regarde mes 4 leurres qui me restent prêtées par Ian & Mega. Il y a une heure j’en ai perdu deux d’affilée sur des poissons que tu vois pas, juste un remous énorme et la ligne molle. Sur de la tresse de 50 lbs, il y a forcément une image avec une gueule pantagruélique qui hante ton cerveau quelques heures après..
Le plus incroyable – à part la beauté fascinante de ses peacocks – est que deux heures plus tard je me replante dans le corps un popper en refaisant la même erreur de tirer dessus (malchance ou.. stupidité) heureusement ce coup là j’étais torse nu. Y’a du discount sur le pierçing aujourd’hui… Je suis tellement content qu’Ednilson maitrise son manuel du bon secouriste ! Un nouvel arrachage d’hameçon anesthésié au glaçon. La routine..
En revenant nous croisons le bateau de Méga (qui travaille avec Ian) en pleine séance photo avec une sorte de gros poisson chat local, pris à l’appât. Un pirara qui devait faire un bon 15kgs, remis à l’eau. La mère de Méga en pêchera un aussi que nous mangerons pour notre plus grand délice. Sa chair rappelle celle de la lotte, ferme et juteuse.
Mais déjà il faut commencer à redescendre vers Barcelos..