C’est à la sortie de la messe du dimanche matin que je rencontrais l’ami Albert Rébasque au bistrot « La gauloise vicieuse » où, comme le veut la tradition, nous devisâmes devant un Picon bière. Albert, si vous ne le connaissez pas encore améliore confortablement sa retraite des Travaux Publics grâce à des inventions que le professeur Lépine en personne n’aurait pas désavoués.

C’est après le quatrième verre que la langue d’Albert se délia enfin.

– « Flèche, mon ami, toi qui pêches depuis belle lurette, comment expliquer que  les ustensiles dont tu te sers au bord de l’eau n’aient fait aucun progrès depuis Pline l’Ancien et Pline le Jeune, ce qui ne nous rajeunit pas ? »

– « Cher Albert, je crois deviner que quelque chose se trame dans ton fécond cervelet. »

– « Je dois t’avouer que plus je regarde les moulinets de pêche et plus je me dis qu’il y a dans cet instrument des potentiels sans limites.»

– « Vite mon ami explique moi ta pensée, je suis tout ouïe. »

– » Et bien par exemple, imagine-toi que lorsqu’un gros poisson mort à ton hameçon et que , frénétiquement, tu l’amènes à toi, la manivelle de ton moulinet pourait se mettre à jouer (un jeu d’enfant technologique ) un air de ton choix.  » La Marseillaise », par exemple pour les pêcheurs amoureux de la République, « Sambre et Meuse » pour les pêcheurs militaires ou bien « la petite Huguette » pour les pêcheurs portés sur la chose. »

« Merveilleux » répliquait je. « Mais encore ? »

« Eh bien, rien n’empêche d’imaginer que de tourner la manivelle de ton moulinet puisse engendrer une production d’électricité suffisante pour actionner, caché dans ton panier de pêche, un dispositif réfrigérant qui te permettrait comme par magie d’amener chez toi des poissons d’une fraîcheur remarquable. Quant à moudre le grain de café grâce à cet manivelle c’est d’une technologie enfantine.

Vois tu, mon ami, avec un peu de réflexion ce moulinet peut devenir un outil qui sans aucun doute simplifierait votre addiction et ajouterait un piquant tant désiré. »

Quand je vous disais que rien ne résiste à l’imagination débordante de l’ami Albert Rébasque et que les trompettes du progrès sonnent à nos portes !