Louis Ralto était sans l’ombre d’un doute, en plus d’être un ami parfait, le meilleur pêcheur du département. Sa réputation avait même atteint les départements limitrophes. C’est pour dire !

Il fallait le voir lancer sa mouche pour le croire. Une finesse, une élégance, une précision sans pareille. Lorsqu’il se mettait en action de pêche, certaines institutrices des écoles primaires accompagnaient leurs bambins au bord de la rivière afin qu’ils en prennent de la graine.

Jusqu’au terrible jour où le pauvre Louis fut renversé par un camion transportant des cannes « Loomis », camion piloté par un Auvergnat en état d’ébriété avancée.

Les deux jambes sectionnées nettes.

Comble de malchance, l’ambulance qui le transportait à l’hôpital du canton percuta violemment un camion de pompiers en goguettes à l’angle du boulevard Maréchal Foch et de la rue du mont de Piété.(Le feu rouge avait été dérobé la veille par des Polonais.) Le choc fut d’une violence extrême et le pauvre Louis, en plus de ses deux bras, perdit également ses deux jambes, cuisses comprises.

Quelle ne fut pas ma surprise, quelque temps après ce drame, alors que je sirotais un demi panaché  bien frais à la terrasse du café « Le terminus » de voir apparaître… Je vous le donne en mille…Louis en personne, gambadant comme un jeune lièvre en rut. Il se saisit d’une chaise voisine, s’assit à ma table et commanda un verre de Bourgueil  de chez BOUCARD Thierry, 2007.

_Louis, quelle surprise de te voir en si belle forme, lui dis-je-comment se fait-il ? Je te croyais impotent pour le reste de tes jours ?

_Ah ! Flèche, mon ami, laisse-moi te  raconter toute mon histoire à côté de laquelle l’odyssée du regretté Ulysse fait pâle figure. Toi qui as fait des études avancées, tu sais parfaitement bien que la chirurgie  réalise tous les jours des progrès considérables. On greffe des reins, on plante des dents, on coupe des cheveux, on remplace des nez , on envoie réparer des organes essentiels qu’on remplace ensuite comme des chaussettes dans une valise. On allonge, on étire, on modifie.

Tout le monde a lu dans les journaux, l’histoire de cette suédoise trop longue qu’on a raccourci de 10 cm (ou plutôt 11) en lui supprimant de chaque côté un morceau de jambes et un petit morceau de cuisse (transversalement) et en recousant. Exactement comme un saucisson dont on enlèverait deux rondelles et qu’on recouserait par juxtaposition. Tu peux bien imaginer que mon cas désastreux pour les incultes,  fut un jeu d’enfant pour les chirurgiens de l’hôpital d’Aubenas ( 07 )

_C’est tout à fait extraordinaire_ fis-je en essayant de refermer ma mâchoire, tellement cette histoire m’avait rendu hébété.

_Mais attends, mon cher Flèche, ce n’est pas fini, malheureusement.

Lorsque je fus transporté après mon opération, sur mon lit d’hôpital je ne mis pas longtemps à réaliser l’horreur de la situation.

Par  plaisanterie de mauvais goût, par inadvertance, par jalousie, va savoir… Toujours est-il qu’en reprenant mes esprits, je m’aperçus qu’on m’avait greffé deux bras droits et une jambe gauche ayant jadis appartenu à un malheureux citoyen congolais décédé en tombant d’une échelle.

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Je vous l’affirme, mes amis, la France, jadis haut  lieu de science, de culture, de renommée internationale, est tombée bien bas, c’est un fait reconnu.

Nous, au mouching, nous hésitons aujourd’hui entre la Belgique, l’Ukraine et Monaco.