La matinée au bord de la rivière avait été d’une douceur enchanteresse. Non pas que j’eu à mon actif des multitudes de poissons dignes de figurer sur les couvertures des magazines de pêche, mais ce que j’aime par-dessus tout ç’est de sentir l’eau couler entre les jambes, de respirer des parfums inconnus dans mon atelier où flotte en permanence des odeurs tenaces d’essence de térébenthine et de casser une petite graine la tête à l’ombre et les orteils en éventail.

Et ce matin, je m’étais préparé un vrai sandwich de compétition. Ce n’est pas que je crache sur le saucisson beurre, le jambon cornichons ou le camembert de Normandie (ne me faites pas dire ce que je ne dirai jamais.) mais il y a une chose au monde qui me fait vraiment tourner la tête, c’est le miel de lavande.

Et surtout celui que notre ami Noé vend le samedi matin au marché des Vans. Ah ! le miel de Noé ! De l’opium que cette crème bénite. Pas trop coulant, pour ne pas s’en mettre plein les manches, et pas trop dur. Simplement parfait. Dès que vous ouvrez un de ces pots, c’est le transport assuré et il ne vous viendra plus jamais l’idée idiote de tuer une abeille. Ah ça non !

De ce miel, j’en avais tartiné des tranches de pain et, bon Dieu, si ce n’était pas le nirvana, être le cul dans l’herbe au bord de la rivière avec cette bénédiction qui vous remplissait la bouche de parfum de paradis, c’en était pas loin .

Bien sûr, du miel j’en avais un peu sur les doigts et, c’est à ce moment qu’une envie irrépressible de pisser, idée que j’avais enfouie loin derrière ma vessie, refaisait surface avec une urgence diabolique.

Je lâchais mon sandwich, fit quelques pas hâtifs vers le premier tronc d’arbre venu et, avec ravissement lâchait, les yeux mi-clos, l’urine impatiente.

C’est le soir, avant de me coucher que je fis cette singulière découverte.

Certainement attiré par les traces de miel que j’avais sans le remarquer laissé sur ma verge, un petit insecte, sorte de minuscule mouche, voulant en avoir sa part (Tellement bon ce miel de Noè ! ) avait trouvé une mort sublime en restant collé sur mon membre.

Peut-on dans ce cas précis parler de pêche à la mouche ?

Certains pourraient l’affirmer. Quant à moi, permettez que je suspende momentanément mon jugement…