La science moderne fait des progrès à pas de géants. Il ne se passe pas une journée sans que des découvertes les plus extravagantes mettent nos certitudes en péril.

Il n’y a pas si longtemps de ça, par exemple, il était normal d’affirmer que la carpe était muette. Qui prétendait le contraire passait pour sot.

Il suffit aujourd’hui de plonger dans nos rivières, nos océans et autres lacs, des micros sophistiqués, suffisamment puissants pour être abasourdi du vacarme qui y règne.

Ce ne sont que bruit de chaînes, ronflements, grondements, crépitements et sifflements syncopés. Ce ne sont que cris de faim, signaux et alarmes, chants d’amour et de marches militaires des poissons.

Bien sûr, vous en conviendrez, chers lecteurs, ils ne parlent pas le français de Bossuet, ils ne font pas des tragédies classiques mais ils parlent à leur manière nous confirme Alexandre Vialatte, notre maître à tous.

Le grondin, par exemple rugit comme un lion quand on le met devant un microphone. Il prédit même les tempêtes et les pêcheurs l’écoutent. Il est plus sûr que la météo.

Mais le poisson- huître, rugit encore plus fort que lui. Disons comme deux lions, comme trois lions. Il habite sur les côtes de l’Amérique centrale. Il a 25 cm de long.

Rappelons pourtant que l’homme peut aussi imiter les rugissements du lion en soufflant dans un verre de lampe. C’est un talent qui vaut de la considération à la fin des repas de société.

Le poisson- matelot, lui, siffle comme un marin. L’écrevisse- pistolet est encore plus bruyante, pourtant elle n’a que 5 cm de long. Quant aux poissons « croassants » de la baie de Chesepeake qui firent éclater les bombes de la marine américaine , ils sont quelque 300 millions à faire retentir les eaux de leurs «  bub-bub-bub «  rythmique au moment des amours.

Les poissons des tropiques ont plus de vocabulaire que les poissons des mers nordiques.

La morue a un style concis. Le hareng, cependant, « pépie » . Du moins ce sont les savants qui le disent. J’ai essayé avec un hareng saur en me cachant de ma femme de ménage. Il ne m’a rien dit d’intéressant.

Pourtant, que de choses il sait ! Les profondeurs des mers, les aurores boréales, la banquise, l’esquimau, la tristesse des fins de mois dans les ménages d’artistes où il figure à tous les menus à partir du 12.

Le poisson-matelot siffle sa belle comme un voyou. Le poisson-Anémone effraie ses concurrents par des bruits « menaçant et martiaux ».

Le « bêta splendeur » en Indochine, rappelle ses enfants vagabonds rien qu’en remuant la peau du ventre.

La voix des poissons devient de plus en plus grave avec l’âge, comme chez l’homme, sauf celle de la truite qui reste toujours un soprano.

On est confondu par de telles merveilles de la nature.

Je pourrais continuer à  vous instruire comme ça pendant des pages et des pages si seulement notre rédacteur en chef me le permettait. Mais laissons là les sujets qui fâchent.

Ah, si Le Mouching n’était pas là pour l’éducation des masses, cette planète ne serait qu’un vulgaire trou à rats infréquentable.