Le Mouching, fly fishing, welcomeQuand j’ai débarqué à New York pour la première fois, il y a maintenant des lustres, avec ma petite liquette couleur d’aquarium moisi comme tout bagage, je n’avais pas l’ombre d’un radis en poche.
Pour tenter de remédier à ce triste état, mon amoureuse hawaïenne avait alors organisé un « atelier porte ouverte » dans notre loft du quartier de « la cuisine de l’enfer » à Manhattan et un type, impressionné par la chose, nous avait alors proposé de nous occuper pendants l’été, d’un petit local adjacent à un cinéma dont il était proprio dans le petit village balnéaire de Sag Harbor, à Long Island, à trois heures de New York City.
Et bien sûr, notre idée fut tout de suite d’en faire une galerie d’art.Le mouching, fly fishind, cinéma
On avait débarqué dans ce patelin, ma Puanani d’amour, son perroquet des Amazones et ma pomme, tous excités comme des poux.
Un type du cru, ayant pitié de nous, nous avait offert de dormir dans son grenier. Mais attention ! « Pas de bruit. Je ne veux pas que ma femme qui dort en dessous ne se doute de quoi que ce soit ! »
Très dur pour nous, amants passionnés d’échanges de fluides nocturnes. Mais le silence était une question de survie. Aussi, nous nous efforçâmes de mettre une sourdine à nos ébats.
La question de l’intendance se posa très vite.
Pas question d’aller au restaurant, bien sûr, ni même d’acheter de la nourriture au supermarché local.
La seule solution viable, la voici: Sur le coup de cinq heures de l’après-midi, je quittais la « galerie » ou nous passions le plus clair de notre temps à compter les mouches voler, prenais ma canne à pêche et me dirigeais vers la petite baie, de l’autre côté du port.
Un coin délicieux, sorte de petite plage déserte à l’abri du vent.
Sag Harbor Bay and Long WharfPêche à la mouche ? Vous n’y pensez pas ! Je n’avais même jamais entendu parler de ce machin la ! Non. Une vulgaire canne a lancer la moins chère que j’avais dénichée dans le fourbi de l’Armée du Salut locale et une petite cuillère qui tournoyait dans la flotte quand je moulinais…
Et ça marchait du feu de Dieu ce truc. Le nombre de baby bluefish que je capturais chaque jour… Largement assez pour remplir l’estomac de ma belle et de son amant favori (moi, bien sûr !)
Le Mouching, fly fishing, bluefishAfin d’équilibrer le menu,. Puanani achetait tous les jours au rabais, deux ou trois épis de maïs et nous faisions griller le tout sur des barbecues publics, derrière le port. Quelquefois, quand on avait vendu un de mes dessins, on se payait une bouteille de vin infâme qui portait le nom de « Partager ». Une horreur qui n’avait certainement jamais vu l’ombre d’une grappe de raisin, mais ça faisait « festif » et les repas « bluefish/ maïs et « Partager » étaient des moments de bonheur infinis. Tous les deux, avachi sur le gazon, contemplions les couchers de soleil tellement coloriés qu’ils en devenaient vulgaires.
Et puis un jour, une marchande d’Art contemporain est entrée dans la galerie, a regardé mes travaux et nous a dit :
« Lorsque vous retournerez à Manhattan, à la fin de la saison, passez donc me voir. »
Deux ou trois mois après, le musée du Louvre, le Metropolitan muséum, le musée de l’Hermitage de Saint-Pétersbourg, le musée du Prado, j’en passe et des meilleurs, faisaient la queue devant mon atelier pour se payer mes peintures à prix fort.
On ne savait plus où ranger tous ces lingots d’or. La cave en était pleine. On se payait du caviar, des homards, dans des restaurants ou les serveurs obséquieux portaient des perruques blanches Louis XV.
Mais laissez-moi vous dire une bonne chose. Rien n’a jamais été aussi parfait, romantique et mémorable que les baby bluefish, les épis de maïs et le « Partager «  de Sag Harbor.

Le mouching, fly fishing, Le Louvre