Le Mouching, fly fishing, N.first streetNew York, en octobre c’est encore un peu l’été. Les feuilles des arbres rosissent comme les joues de jeunes bêtes à bon Dieu, les filles nous offrent leurs jambes encore brunies et lorsqu’elles roulent sur Bedford avenue, à bicyclette, on a envie de s’installer sur le trottoir dans une chaise longue pour être plus confortable à les regarder passer.
Et par cette magnifique journée, Herman, mon bon ami portoricain, m’avait fait une irrésistible proposition.
– OK, Flèche… Va chercher ta canne à pêche et on fonce en métro à Jamaica Bay. Je connais un coin… mais un de ces coins… que même Junior n’y a jamais balancé sa ligne.
Pensez bien que je ne me fis pas prier et qu’à peine 10 minutes plus tard, j’étais au rendez-vous, à l’angle de Bedford avenue et de North First street avec sous le bras, ma canne à mouche  et tout le fourbis qui va avec.
Mais, je n’étais pas le seul à ce rendez-vous. Des nuages noirs annonçant ces furieux orages de fin d’été étaient également arrivés (d’énormes nuages !) et les premières gouttes venaient s’écraser sur la visière de ma casquette. PLOC !
Aussi, Herman et moi se mirent à l’abri sous l’auvent de l’épicerie coréenne, pensant naïvement que cet orage allait passer, comme passent les cigognes.
Herman est un chic type, mais lorsqu’il se met à parler, même pas une Kalachnikov chargée ne l’arrêterait. Comme la pluie qui s’abattait maintenant furieusement sur Brooklyn, la langue d’Hermann était intarissable.
– Dis-moi Herman, si on prenait plutôt ta bagnole au lieu du métro pour aller à Jamaica Bay?
Brancher mon ami sur sa voiture était une grave erreur de ma part.Le Mouching, fly fishing, chevrolet
Sa caisse pourrie recouverte d’une bâche encore plus pourrie est, sans conteste, son sujet favori. Il peut parler de son amour pour sa Lincoln 1972 pendant des heures. Le nouveau carburateur qu’il vient d’acheter à un garagiste du Kentucky, la branche d’essuie-glace d’EPOQUE qu’il a eu pour une bouchée de pain à une veuve du Montana… Impossible de le freiner le père Herman. Pourtant, là, il s’arrêta à : « Non, Flèche, la pompe à eau est fêlée. On va devoir attendre ici que la pluie cesse. Ça devrait s’éclaircir dans pas longtemps, prédit il en clignant des yeux sur le ciel noir comme un as de pique .
– Et tu as vu ce qu’ils ont fait, ces enculés de flics la semaine dernière ? Encore buté un black dans le Bronx. Bon, d’accord… Le gars dealait de l’héroïne et avait sorti son flingue… Mais QUAND MÊME ! Tu me connais, Flèche, moi aussi j’ai fait dans la drogue. Faut bien vivre ! Même que je me suis tapé 13 ans de cabane. C’est vrai qu’à l’époque, je n’étais pas vraiment un «NICE BOY ». Fallait pas me chercher ! »
Chers lecteurs, je m’aperçois maintenant que j’ai oublié de vous brosser un rapide portrait de mon ami Herman, et c’est impardonnable. Comment dire… Il ressemble, en plus massif, au personnage barbu de la bande dessinée « Popeye », Brutus.Le Mouching, fly fishing , brutus Le genre de type qui dépasse tout le monde d’une tête qui, quand elle sourit, sa tête, c’est du concentré de soleil, mais quand ses yeux se plissent et vous transpercent, vous avez intérêt à prendre vos jambes à votre cou ou alors, c’est l’hosto garanti.
Herman continua, (comme la pluie !)
– Ma fille et moi, on ne se cause plus depuis des lustres. Une vraie salope qui me foutait un bordel pas possibles dans la maison et ne pouvait pas voir en peinture toutes les nanas qui m’abordaient sur Bedford pour m’acheter de la drogue. Jalousie, peut-être ! Va savoir ?
Toujours est-il que la semaine dernière, elle a demandé à son jules de venir pour me casser la gueule. Le concierge de la maison, un bon pote à moi lui a demandé :
– Qu’est-ce que tu lui veux, à Herman ?
– Lui casser sa tronche de merde ! A répondu le gars.
Alors, mon pote est descendu de chez et lui a fendu la mâchoire d’un directe du gauche.
Comme la pluie ne cessait pas, nous avons abandonné l’idée d’aller faire chier les poissons à Jamaica Bay.
En nous quittant, Herman, avec un sourire de star m’a lancé :
– Flèche ! Quand tu vas en France pendant l’été, ne te fais pas de souci. J’ai un œil sur ton appartement. Il ne risque rien !
Je le crois sur parole, Herman !Le Mouching, fly fishing, Herman