Parfois un ami prend le temps de nous écrire une lettre. C’est toujours un vrai plaisir de vous lire, mais cette lettre-là est vraiment spéciale. Elle est tellement bien écrite, tellement juste qu’on n’a pas pu résister, il fallait qu’on la partage avec vous. Parce que tu vois, ce genre de truc, c’est notre came. C’est la raison pour laquelle on fait tout ça. Merci à toi, Nico !

Salut le Mouching, 

Tout ça, c’est un peu de ta faute, tu sais bien ? La voiture du vendredi pleine de pas grand-chose qui file vers l’Aubrac alors que ça n’était pas du tout prévu. 

La carte de pêche achetée au rade d’Aumont-Aubrac et dix minutes plus tard, les pieds dans l’eau de la Rimeize,  trop tiède pour y tremper une sèche. Le coup de fil chez Remise, juste avant l’insolation, pour savoir si ce soir, par hasard, ils n’ont pas une chambre pour moi. Et puis, tu sais bien le Mouching : la bière fraîche sur la terrasse de Remise pour expliquer à la canicule qui est le vrai patron. Bes_recoules_d'aubrac
Oui, tu vois de quoi je parle. 


Et après l’aligot de saison, cette heure entre chien et loup dans l’air qui sent les fesses de vache et la menthe. La torpeur des bord du Bes, vers Nasbinals : je sais que tu sais. Et je sais que tu aurais aimé ce moment de grâce où j’ai cru – mais vraiment, hein ? – que le caillou qui gigotait au bout de ma ligne était une truite. Alors que non. 

Et ce lendemain de Juillet plein d’orage sur les bords de la Truyère, passé à perdre consciencieusement ma collection de parachutes – des belles, bien chiantes à monter – dans les aulnes. Et au bout de ma canne, tu sais : rien, nada, que dalle. Et pourtant, tu aurais aimé, le Mouching, tu aurais adoré même la bagarre entre un milan et un émerillon soldée par le classique David : 1 – Goliath : 0. C’était beau comme tes films et tes histoires. 

Et puis il s’est mis à pleuvoir vraiment beaucoup, mais je m’en foutais un peu : le trou au niveau de l’orteil droit de mes waders avait largement anticipé les caresses mouillées de l’averse, alors je me suis endormi sur le barrage du Mazel en attendant que « ça » passe. Mais « ça » a continué. Et comme un jarret de porc s’était invité à la table de Sainte Urcize, je suis rentré, bredouille et content. Avec un paquet de bonnes excuses pour zapper le coup du soir : de toute façon, j’ai des lunettes et je ne vois rien après le deuxième verre de côtes d’Auvergne. 

Et il y a eu ce lendemain de plus : les torrents dopés à la pluie de la veille, l’Aubrac de cartes postales, la fraîcheur idoine, le sans tuer de la Chaldette avec un désir à chaque caillou. Et tellement de cailloux que la vie, l’espoir, tout ça… ont fait si bon ménage qu’on était déjà dimanche soir quand j’ai fait les comptes des captures du jour. Et je suis sûr que tu aimerais bien savoir, parce que tu es curieux… mais je suis pudique, tu vois. Et on m’a appris que quand on n’avait rien à dire, il fallait mieux se taire.

Alors voilà. Plein de mots pour te remercier pour ces tous ces moments de pêche que tu mets entre les miens. Te lire est un grand bonheur.

A bientôt !

Nicolas Clair