le fils du hérosCe roman nous emmène à La Havane dont on va suivre sur plusieurs décennies la vie d’Ernesto.  Karla Suárez mélange grande histoire et petite histoire et pose la question suivante : comment échapper à l’histoire avec un grand « H » quand celle-ci a défini toute votre enfance ? Ernesto (en hommage au Che, forcément) est né dans une famille aimante de la Havane. Ses parents, les quatre oncles paternels, le meilleur ami du père et la petite sœur Tania apportent la sécurité et le bonheur à ce gamin attachant. Tous les jours, il se lance dans de nouvelles aventures trépidantes avec son copain Lagardère et la très jolie capitaine Tempête, lui le brave comte de Monte Cristo ! Les enfants adorent partir jouer dans les bois, loin de leurs parents. Mais son monde s’écroule lorsqu’à l’âge de douze ans, on lui annonce la mort de son père dans les troupes cubaines envoyées en Angola.

Ernesto devient « l’homme de la maison » qui n’a pas le droit de pleurer et surtout le « fils du héros » – un titre honorifique dont il se passerait bien mais qui, à Cuba, fait l’objet de toutes les attentions. A l’école, il est élu délégué, chaque année Cuba honore ses morts au combat dans une longue procession. Impossible d’échapper au fantôme de ce père omniprésent, mort en héros.

Les années passent, Ernesto part s’installer à l’étranger avec son épouse Renata. Berlin puis Lisbonne où il fréquente le quartier de la petite Havane. Ernesto s’intéresse désormais à la guerre en Angola où son père a perdu la vie.  Le patron du bar l’informe qu’un des habitués a participé au conflit, un certain Berto. Il est Cubain mais installé à Porto depuis plus de trente ans. Ernesto se lie d’amitié avec cet homme âgé qui vient régulièrement à Lisbonne voir sa fille et son petit-fils.

Celui-ci reste néanmoins discret sur sa participation à la guerre, « une sale guerre » qui détruit les hommes. Obsédé par cette guerre, Ernesto perd de vue sa vie actuelle, son couple et sombre peu à peu.

Peut-on un jour se défaire de son passé ? Un enfant doit, pour grandir, tuer l’image du père tout puissant, mais comment peut-on le faire quand celui-ci est mort en héros ? Et en cherchant la vérité, va-t-on aimer ce que l’on découvre ?

J’ai trouvé le personnage d’Ernesto attachant qu’il soit amoureux secrètement de Tempête ou admiratif de ce compagnon d’armes, Ernesto réussit à la fin à être enfin lui-même et à faire face à son passé.

castro angola

J’ai beaucoup aimé la manière dont l’auteur raconte l’enfance du petit Ernesto, l’amour de sa famille et ses rêves qui se heurtent à la réalité. J’ai aimé la manière dont l’auteur communique l’enthousiasme d’une génération pour le pouvoir , ainsi ses parents allaient l’été travailler dans les champs (Fidel voulait épater avec d’énormes récoltes de canne à sucre) et chantaient à la gloire du Che. Mais les années ont passé et le rêve d’une société cubaine moderne s’est éloigné. J’ai ainsi découvert qu’en grandissant le petit Ernesto écoutait la même musique occidentale que nous (américaine et européenne) mais bien entendu il continuait de haïr l’Amérique et de passer ses vacances dans des camps de pionniers. J’ai appris énormément sur la vie à Cuba à une époque où la guerre froide sévissait.

Que dire du conflit en Angola ? Il a éclaté en 1975 pour ne prendre fin officiellement qu’en 2002. Le pays s’est transformé en terrain de jeux opposant les deux puissances mondiales et leurs rejetons (Cuba).

La guerre a débuté après la déclaration d’indépendance du pays (ancienne colonie Portugaise) en novembre 1975, après une décennie de conflits. La guerre civile qui a suivi est essentiellement une lutte de pouvoir entre deux anciens mouvements de libération, le MPLA et l’UNITA. L’Union Soviétique et ses alliés, dont Cuba soutenaient un mouvement et de l’autre côté, l’Afrique du Sud et les États-Unis en soutenaient un autre. Fidel finira par y envoyer des troupes, dont le père d’Ernesto.

J’adore ces romans historiques, mais surtout culturels – j’ai eu l’impression d’assister aux fêtes, aux repas, d’être transportée à Cuba à diverses époques. Une très belle lecture ! J’ai dorénavant envie de lire les autres écrits de Karla Suárez .

Editions Métailié – Prix :  20 € – En vente ici.

This book tells the story of Ernesto, the son of a loving family born in 1970 in Cuba. His parents generation grew up with the Che and believed that Fidel Casto will bring them success and peace. But as years go by, things changed and when his father dies fighting with the Cuban troops in Angola, Ernesto, then 12, knows that his life has changed forever. Years later, after he’s moved to Lisbon, Ernesto is still obsessed with his father’s death and the war in Angola. Meeting a former Cuba soldier is his last chance to know if he’s truly the son of a hero. 

This book has not been translated into English yet. It’s available in Spanish.