Je me suis lancée mon propre challenge « Jim Harrison en 12 lectures »  pour cette année. Le plaisir de retrouver et découvrir les textes d’un des mes auteurs préférés.  Je ne connaissais pas, par exemple, le Jim poète. Même si je possède deux de ses recueils de poésie.

lettres à EssenineJ’ai été ravie de découvrir que Christian Bourgois rééditait Les Lettres à Essenine, publiées à l’origine en 1973 et traduites par Brice Matthieussent.Ce recueil est considéré comme l’un de ses chefs d’oeuvre outre-Atlantique. Il raconte la correspondence rêvée de Jim avec le poète russe Sergueï Essenine.  A l’époque, Jim traversait une passe difficile, il vivait dans une ferme et luttait contre la dépression.

J’ai eu la chance de recevoir le recueil, que je n’ai pas encore terminé car je souhaite savourer ma découverte et ne pas dévorer l’ouvrage en une soirée.

Néanmoins, je ne pouvais pas résister à l’envie de partager un de ses poèmes. Le recueil est bilingue, génial pour ceux comme moi qui aiment lire en anglais et permet de voir le talent de traducteur de Brice Matthieussent et son prix est irrésistible.

Pour ceux qui l’ignorent, Sergueï Essenine fut le chantre de la Révolution d’Octobre à travers ses poèmes et l’époux de la danseuse américaine Isadora Duncan. Il se suicida en 1925 à l’âge de trente ans.

L’oeuvre de l’auteur russe a profondément marqué l’auteur américain (et en écho son suicide), « un frère disparu trop tôt », dont il n’a cesse de rendre hommage.

à Rose

Je n’ai pas de médailles. Je sens l’absence de leur poids sur ma poitrine. Il y a des années, j’étais ambitieux. Mais il est désormais évident qu’il ne se passera rien. Tous ces poèmes qui m’ont fait léviter à un mètre du sol ne sont pas tant oubliés que tout bonnement jamais lus. Ils ont roulé comme lunes éblouissantes vers une flaque d’eau et s’y sont noyés. Aujourd’hui on ne peut même plus retrouver cette flaque. Je suis pourtant encouragé par la façon dont tu t’es pendu, en me disant que tout ça ne compte pour rien. Toi, le poète fabuleux de la Mère Russsie. Néanmoins, aujourd’hui encore, des lycéennes tiennent ton coeur mort, tes poèmes, sur leurs genoux par les brûlants après-midi d’août au bord du fleuve en attendant que leur ami sorte du travail ou que leur amant revienne de l’armée, que leurs chers animaux défunts ressuscitent.  Ou qu’on les appelle à dîner. Tu trouves une vie nouvelle sur leurs genoux, tu humes leur parfum de lavande, le nuage de leur chevelure qui t’inonde, tu sens leurs pieds traîner au fil du fleuve, ou caché dans un sac tu te promènes encore au bord de la Neva. Mieux, on t’utilises à contre-emploi tel un bouquet de fleurs pour les convaincre d’ôter leur robe dans un appartement. Regarde ces tuyaux de chauffage près du plafond. La corde.