La neige m’aveuglait et j’aimais le bruit que cela faisait sous mes pas, je me sentais seul et heureux d’être là. J’étais comme hypnotisé par les courants, attiré irrésistiblement par la rivière, mes yeux humides à cause du froid et de la réverbération de cette neige trop blanche et cette eau qui m’appelait sans que je ne puisse lui résister. Tout d’abord elle m’a brûlé, instantanément, j’ai failli pousser un cri tant elle était froide, comme quand on saisit le bac à glaçons au fond du frigo et qu’il reste collé au doigts et que seul l’eau tiède vous en décollera, et puis au bout de quelques secondes cette brûlure m’est devenue supportable, presque agréable. Je m’y suis fait. La neige autour de moi avait étouffé tous les sons et la rivière et sa cascade n’en devenaient que plus présentes, tout me semblait irréel. Aussi irréel que de chercher avec mon tamis, pareil à un journal que je lirai au milieu de l’eau, le menu du jour. Mon visage me brûlait et la buée faisait un écran sur mes lunettes, qui apparaissait puis s’estompait en fonction de ma respiration. Je ne pouvais résister à ce besoin presque vital d’aller au bord de l’eau. Elle était là, dans la retourne, je n’ai eu qu’a me mettre à genou pour l’attraper. Quand je l’ai frôlé de mes doigts saisis par le froid, j’ai senti la vie au fond de l’eau, comment peut-on vivre dans ce frigidaire liquide ? Alors qu’elle est repartie comme une fusée sous un caillou, j’ai décidé de rentrer. En remontant le pré pour aller à la voiture, j’ai pensé au vacances quand j’étais petit et que j’avais l’onglée dans mes gants en laine ou en nylon tout mouillés. Ce soir je mangerai des sardines et je repenserai à cette truite qui m’a filé entre les doigts dans cette eau glaciale.

video by Andrew Nisbet[vodpod id=ExternalVideo.781128&w=425&h=350&fv=clip_id%3D3114473%26server%3Dvimeo.com%26autoplay%3D0%26fullscreen%3D1%26md5%3D0%26show_portrait%3D0%26show_title%3D0%26show_byline%3D0%26context%3Duser%3A1258175%26context_id%3D%26force_embed%3D0%26multimoog%3D%26color%3D00ADEF]