“La rivière se déplaçait de gauche à droite. J’avais envisager de fixer ma barque de quarante-cinq kilos sur le toit de la voiture, mais elle était encombrante (…)Les rivières et les fleuves émettent les sons que je préfère. Si j’avais emporté ma barque j’aurai pu échappé à la confusion. Lorsqu’on rame on a tendance à ne penser à rien d’autre qu’au monde qui s’éloigne derrière vous. En regardant la rivière je me suis mis à me demander qui sommes nous quand nous sommes seuls. Peut être que nous comptons pour du beurre dès que nous cessons de nous frotter aux autres.” (Une Odyssée Américaine, p.84)

L’écrivain Jim Harrison vient de sortir un bouquin et c’est un bon cru ! L’histoire d’un sexagénaire partie en virée sur les routes américaines avec comme mission de dilapider les pièces d’un puzzle qui représente l’Amerique du Nord. Chaque état traversé est ainsi l’occasion de sacrifier une pièce que le héros Cliff balance de la fenêtre de sa voiture, geste d’abandon qui symbolise aussi ce qui a été vécu, ce qu’on a connu, faire table rase mais surtout recommencer avec la sagesse de l’âge à regouter les plaisirs qui sont ancrés en nous et qui sculptent nos bonheurs quotidiens et confortent notre fragile raison d’être.

Une maitresse pas toujours complaisante, un téléphone portable encombrant, le sourire des serveuses au restaurant et puis les truites des Rocheuses: le monde de Cliff se déchire dans ses pulsions, ses joies et sa contemplation. Ce héros attachant a des préocupations certainement peu éloigné de celles de notre écrivain préféré et des notres. A savourer au bord de l’eau en attendant une éclosion :)