» What about some sushi, Flèche ? » me demande à brûle-pourpoint mon bon ami Stan, pêcheur émérite de Niceville, Florida. Et nous voilà partis vers la boutique de Mr N’Guyen  bla bla bla, le meilleurs poissonnier de la région. LIRE LA SUITE

STAN

Tellement qu’il est bon que les murs de sa boutique sont placardés de pages de journaux locaux vantant ses hauts faits. Réfugié de la guerre du Viet-nam, le type nous sourit de toutes ses dents en or et, me sachant Français se fait un bonheur d’étaler ses connaissances linguistiques, et ça donne une drôle de mixture de français de Cholon, de vietnamien et d’américain du sud. Un régal ! Et sa boutique, également est un régal. Une odeur de frais. Les poissons d’ici ont l’air d’avoir barboté  dans le Golfe du Mexique il y a peu de temps: des mérous magnifiques et plein d’autres poissons dont j’ignore le nom, des crevettes énormes qui bougent encore les pattes. Ah ! Comme on est loin du poissonnier Coréen de Greenpoint, à Brooklyn que tu peux même pas entrer dans la boutique tellement ça pue !  » Tu aimes les huîtres?  » me demande Stan .  » Tu parles mon pote, donne m’en trois douzaines, je leur fais leur fête sans respirer ! » D’accord me dit mon co

pain, mais je suis sûr que tu ne connais pas les huîtres D’Apalachicola ? « What’zat ? » je fais. et là, Mr N’Guyen trou lou lou sort du frigo une boite en plastique dans laquelle nagent des trucs morts que si on ne sais pas, pourraient aisément passer  pour un bon kilog de glaires. « Dégueulasse ! C’est ça tes fameuses huîtres ? »  » Goûte, Frenchy au lieu de critiquer sans savoir ! C’est vraiment un sport National chez vous ! »  Il a raison le Stan. Les « trucs » d’Apalachicola  (j’adore le nom de ce bled indien ) sont…divins…sans déconner ! Passé ces interludes Stan demande à N’Guyen tri li li   » Got some smoked steelhead , today ?  »  Quoi..il va acheter du steelhead, ce gros porc ? Pour vous et moi,évidemment, le nom « Steelhead » est associé à un animal quasi-mythique. La noble truite migratrice qui monte frayer dans les magnifiques rivières de l’Oregon, sur la côte Ouest des U.S.A et de la Colombie Britannique. Un poisson si beau et fort qu’on ne peut que relâcher. Le garder serait un véritable non-sens, une entorse au savoir vivre élémentaire. On ne peut le pêcher qu’avec des hameçons sans ardillon pour ne pas lui faire bobo. J’en connais qui poussent jusqu’à ne pas mettre d’hameçons du tout. J’en connais même qui ne mettent pas de mouches ! En bref, la demande incongrue de Stan me révulse tellement que je pense déja à boucler mes valises et quitter ce lieu maudit au plus vite quand je vois le vietnamien nous envelopper soigneusement un gros filet d’un magnifique rouge orangé. Sitôt arrivé à la maison, Stan enfile ses gants en caoutchouc violets et découpe  avec application le pôvre poisson en fines lamelles qu’il met a mariner dans une mixture ou l’odeur du citron vert domine. Je suis révulsé jusqu’au matin suivant ou Stan me sert pour breakfast un demi bagel, petit pains ronds couvert de  » cream cheese » comme le veut la tradition juive.  » Vas y, Flèche, met une bonne couche de steelhead la dessus et dis moi ce que t’en penses ».STEELHEADJe m’exécute les lèvres pincées. J’en prend une grosse bouchée et PUTAIN DE PUTAIN les amis ! je dois vous le dire comme je le pense, même si je dois me faire une tonne d’ennemis qui vont se relayer pour casser mes fenêtres au lance-pierre et me châtrer à l’Opinel : le steelhead, C’EST VACHEMENT BON même que j’ai pas pu arrêter d’en bouffer et que j’en veux encore et que le « Catch and release »…des coups, je vais y repenser .