[READ IN ENGLISH] La journée avait été torride  et il faisait encore bien chaud lorsque  sur les coups de sept heures du soir je garais ma moto sur le petit terre-plein juste à la sortie du chemin qui mène à la rivière. Les hordes de touristes n’allaient pas bien tarder à quitter les lieux . Déjà, je pouvais entendre,  montant du  sentier les premiers groupes. Certainement des hollandais qui, comme des bergers, essayaient de maintenir en ordre leur marmaille  indisciplinée. Ça  y est, je pouvais enfin les voir, couvert de trucs gonflables en plastique et brûlés au troisième degré.

Encore quelques longues minutes et, à moi la rivière, MA  rivière. Je pourrais enfin descendre à mon tour et, si tout se passait bien, m’amuser un bon moment avec ces truites de La Beaume, sacrée gaillardes, farouches comme des pucelles et belles, comme au moins Monica Vitti.

La lumière crue de la journée commençait à faiblir lorsque, à pas de Sioux  je m’approchais enfin de la rive. C’est pas Dieu possible comme c’est beau au fond de ces gorges de La Beaume ! Tellement beau que, souvent je n’ai plus envie de remonter. Rester planté là, assis sur un caillou à se faire bénir par le silence. Jusqu’à en oublier même de pêcher et seulement d’observer les quelques gobages comme si c’étaient des amis qui vous faisaient des signes de la main. Ce soir-là j’avais amené dans ma boîte de cachou quelques exécrables imitations de sedges que j’avais maladroitement bricolé avant de quitter la maison. Et ma foi, elles semblaient faire merveille. Là-bas, derrière le grand rocher… et paf ! un poisson. Et là-bas un petit peu plus haut…un autre ! Un vrai festival jusqu’au virage, juste avant » les chandelles ». Je m’approche, silencieux comme une ombre et là , j’entends des petits cris, comme qui dirait des oisillons effarouchés. Et, que je meure si je mens, juste derrière cet éboulis, sur une minuscule plage de sable, je découvre un couple d’amants occupés à forniquer copieusement.

Il faut dire que le lieu est tellement enchanteur et peut si facilement inviter à la chose, mais merde alors, et que devient ma partie de pêche ? J’avoue maintenant que j’ai eu une furieuse envie de tousser pour les alerter et les faire déguerpir ou bien siffler une chanson ou donner des coups de pied bruyants sur des cailloux pour annoncer ma venue. Il faut dire qu’ils prenaient leur temps, les amoureux. Au bout d’un long moment, j’ai jeté un oeil. Ils étaient toujours là, bien emmêlés et je me suis dit que ça ne serait pas très « Pêcheur / Gentleman » que d’interrompre une pareille bénédiction. Et finalement, c’est moi qui ai rebroussé chemin.

En rentrant à la maison, j’ai appelé ma femme que j’ai emmené dans notre chambre. Le « coup du soir » ça  donne  de bonnes idées.

It had been a scorching day, and it was still hot at seven in the evening when I parked my motorcycle on the median strip of the lane that led to the river. Soon the hordes of tourists would be vacating the premises. Already I could hear the first groups climbing the path; apparently Dutch tourists who, like sheperds, were trying to keep their undisciplined flock in check. Finally they appeared, I could see them, red with third degree burns and loaded down with all sorts of inflatable plastic stuff. Still a few long minutes to wait before the river would be mine; MY river.

At last, they left, it was my turn to take the river. If all went well, there was still enough time before nightfall to have some fun with the trout of La Baume, sacred trout, wild like young virgins and as beautiful as Monica Vitti.

The raw light of the day was already growing faint when, quiet as an indian, I approached the bank. My god, La Baume is beautiful down there at the bottom of the gorge.  So beautiful that sometimes I feel that I don’t want to resurface. Just stay down there in the silence, sit on a rock, fully blissed out. Even to the point of forgetting to fish; just observing the occasional fish rise, they wave to me as though we were friends. This particular evening, in my tin-box, I brought some awful imitations of caddis flies that I had clumsily improvised before leaving the house. And what-do-you-know, they did the trick. Over there, behind the big rock… smack! a fish! And over there, a little beyond… bang! another! A real festival, all the way to the bend, just before the « chandelles ». There I approached cautiously, as silent as a shadow when I heard little cries, like frightened baby chicks. And I discovered, on my mother’s life if I’m lying, just behind a slope of stones on a tiny sand beach, a couple of lovers really going at it.

One has to say that the place is so enchanting that I can understand succumbing to love-making, but what about my fishing? Looking back I confess that I had great urge to cough, or to whistle  or kick a few stones to let them know that I was there, anything to drive them off.  And they were really taking their time, the lovers. I waited quite awhile before looking again and they were still at it, fully intertwined; I realized that it wouldn’t be very fisherman/gentlemanly to interrupt such a benediction. So, finally, it was me who abdicated.

On returning home I lured my wife into the bedroom, it was already night when we battened down the hatches.