Lorsque , il y a de nombreuses lunes, j’avais débarqué en plein hiver dans cette foutue réserve d’Indiens Montagnais et Naskapis (on ne dit plus « indiens » mais  » first nations » si on veut être politiquement correct !) du Labrador, tout au nord du Québec,en haut de la carte, en plus que de frayer avec la belle pulpeuse Anna, charpentière de son état, mon rêve secret était d’aller pêcher ces fameux OUANANICHES, ces saumons d’eau douce qui hantent les lacs de la région et mes nuits d’insomniaques.

La vieille Indienne qui m’avait fabriqué des mocassins « spécial grand froid » en peau de caribous, m’avait rassuré : « Rien que pour toi, le français de France, le meilleur pêcheur de la bande de Schefferville va t’ amener sur les ouananiches. Ça va être le fun pour toi, ciboire de ciboire ! »

( Depuis, j’ai appris que le mot d’origine indienne « ouananiche » signifie « le petit qui s’est perdu dans les eaux douces au lieu de l’océan. Joli, non ?)

Bref, chaque jour qui passait, je demandais avec des lueurs d’impatience dans la voix.

« Et ou il se cache, ce roi des pêcheurs  ? »

« L’est à Chicoutimi voir sa tante « .

« L’est à Sept îsles pour les affaires ».

«L’est à Fort Chimo pour acheter du tabac comique « .

Ce n’est que le dernier jour de ma visite chez ces merveilleux amis amérindiens (on dit ça aussi si on est politiquement correct) que j’appris la vérité.

Chaque fois que le pêcheur  » number one  » de la tribu me savait dans les environs, il se planquait sous le lit et jouait l’homme invisible, mort de peur de devoir se cogner ce connard de  » français de France  » et devoir l’amener à la pêche sur les lacs gelés par des températures de -30° (et quand le blizzard se lève, ça peut descendre bien plus bas !).

Je suis revenu à Paris, bien sûr  frustré comme le roi des frustrés à cause de cette histoire scabreuse de ouananiches.

Et puis, la semaine dernière mon amie Québécoise Pierrette D. m’envoie un mail avec le « Journal de Montréal » qui nous annonce que ces foutus poissons se reproduisent comme des lapins d’eau douce et qu’il y a même surpopulation et donc que les pêcheurs ont le droit et même le DEVOIR d’en prendre plus que d’habitude pour rétablir l’équilibre et que la cerise sur le gâteau est que c’est putain de délicieux dans l’assiette.

Et voilà que c’est reparti pour un tour. Je vais devoir re-attaquer l’agence du Crédit Agricole pour me payer un nouveau voyage en Labrador.

Anna, ma douce amie Montagnaise, First Nation,  my First Woman de la bande de Shefferville, prépare-toi : j’arrive.