Le mouching, fly fishing, aloneQuand les touristes plient bagages, le temps sur la rivière redevient paradisiaque.
Comme ce matin-là, seul, les pieds dans l’eau, je m’amusai comme un gosse à prétendre que j’étais un pêcheur à la mouche et  je visais mentalement d’improbables poissons gigantesques dans cette rivière qui me riait au nez.
Le soleil de septembre me picotait doucement les épaules et je fermai les yeux de bonheur lorsque j’entendis, venant de la rive opposée, des pleurs d’enfants.
Et je la vis; une fillette qui tenait une canne à pêche dont le fils se perdait au sommet d’un arbre.
Moi, je suis un cœur d’artichaut  doublé d’une sorte d’Ivanhoé de pacotille lorsque je rencontre la douleur d’autrui ( surtout venant d’enfants et SURTOUT de fillettes , je ne peux m’empêcher de voler à leur secours !)Le mouching, fly fishing, picasso
Et c’est ce que je fis en m’approchant.
« J’ai accroché ma cuillère dans l’arbre et ne peux pas la récupérer. » me dit-elle en hoquetant et ravalant ses larmes.
– Ne t’ inquiète pas, ma douce enfant, je vais te la chercher ta cuillère. Tiens, regarde-moi !
Et, malgré mes 70 ans, mes vertèbres en chewing-gum et mon arthrose des épaules, j’entrepris de grimper sur cet arbre stupide afin de délivrer cette foutue cuillère et rendre son sourire à la fillette en larmes.
Bon. D’accord. Je ne prétends pas ici être Tarzan ou même Cheetah, son fier chimpanzé mais, petit à petit, j’arrivais néanmoins à détacher cette saloperie de cuillère que je laissais tomber au pied de la malheureuse enfant qui s’en empara et disparut sans même un mot de remerciement.( ça m’apprendra !)
Monter sur un arbre n’est peut-être pas une chose très difficile, mais en descendre sans se briser les os est une autre paire de manches, surtout que la branche sur laquelle j’avais mis le pied céda soudain sous mon poids considérable.
Vainement  je tentais de m’accrocher sans succès au tronc rugueux mais dégringolai au ralenti dans un buisson d’orties et de ronces. Lorsqu’enfin je pu m’en extirper, je devais être méconnaissable et mon short, vieille relique de chez Décathlon ne tenait plus à mes hanches que par un mince et fragile cordonnet. Le reste n’étant plus qu’un conglomérat de lambeaux de tissus ne dissimulant quasiment rien de ma glorieuse anatomie.
Fini dans ces conditions, ma partie de pêche. Aussi, j’enjambais ma motocyclette et prit le chemin de la maison.
Lorsque, à la sortie du village de Grospierres, je dû m’arrêter afin d’éviter une panne sèche et que je pénétrais dans le garage/ pompe à essence pour payer, Corinne, la caissière, ne put s’empêcher de lorgner à mon accoutrement et de retenir un rire gras.
– Mon pauvre monsieur… Que vous est-il arrivé pour être dans un tel état ?.
Le mouching, fly fishing, gueule casséeJe lui racontais alors toute l’histoire et je puis  entendre encore son rire un bon moment après avoir quitté le garage et avoir dépassé le rond-point sur la départementale 104.
C’est en prenant le virage à gauche, vers le village de Beaulieu, que je les découvris, planqués comme d’habitude derrière un remblai. Deux flics, les Laurel et Hardy ardéchois. Le maigre me fit signe de m’arrêter.
– « Vos papiers, s’il vous plaît ».
Lorsque je m’accroupis et fouillais dans mes sacoches afin de dénicher ces fichus papiers, Laurel s’aperçut de ma quasi nudité.
« Qu’est-ce que c’est que cette tenue indécente ? Savez-vous que je pourrais vous coffrer pour exhibitionnisme ?.
Je lui racontais alors toute ma pauvre histoire.
Après avoir essayé de ne pas rire, il reprit son souffle et son sérieux .
« Vous êtes donc pêcheur à la mouche ? Ahh… comme c’est étrange… Moi aussi, figurez-vous ! »
Et, comme deux vieux amis, sur le bord de la route, nous échangeâmes nos petits secrets de fabrication de nos mouches artificielles favorites. Jamais, avant cet instant étrange je n’aurais osé imaginé parler avec un flic !. Comme quoi, la pêche à la mouche offre des surprises inconnues au bataillon. Lorsque je le quittais, il oublia même de vérifier mes papiers d’identité et tout le tremblement et me fit un grand signe de la main, comme en ferait un ami d’enfance.
Mon arrivée à la maison fut également très théâtrale. D’abord, ma femme ne put réprimer un cri d’épouvante en me voyant :
« Mais, que t’est-il arrivé, mon pauvre chéri ? »
Et je racontais  (pour la troisième fois !!) cette triste histoire . Mon épouse ne put s’empêcher d’éclater de rire. Et quand elle rigole, ma jolie femme devient une vraie reine de beauté et j’ai toujours un mal de chien à m’empêcher de lui sauter dessus.
« Mon pauvre amour, reprit-elle, si tu avais choisi le ping-pong au lieu de la pêche, on rigolerait bien moins souvent !
Et, lorsque je lui dégrafai son soutien-gorge, elle gloussa : « …Et la vie serait bien moins sexy ! »
La suite prouva qu’elle avait parfaitement raison.Le mouching, fly fishing, TARZAN