Le Mouching, fly fishing, SolitaireD’habitude, quand je quitte mon atelier pour aller à la pêche, je ne suis pas d’un naturel très causant. Pas vraiment un ours mais, pour me nettoyer la caboche, rien ne vaut de se concentrer sur le lancer de sa mouche sans faire des paquets de noeuds, de tenter de voir des poissons quand il n’en a guère et qu’on est à moitié bigleux comme moi et enfin, d’essayer de garder l’équilibre sur ces cochons de cailloux qui donnent hypocritement l’impression d’être accueillants alors qu’ils viennent tous de célèbres savonneries marseillaises.
Mais, ce jour-là, au milieu de MA rivière et de MON coin favori, était installé un type à l’allure plutôt sympathique, pas du style «  regardez ma belle panoplie du parfait pêcheur  » !
Je m’approchais du lascar et découvrit qu’il utilisait une mouche avec laquelle il avait peu de chances de leurrer même poisson ivre.

Aussi, avec mon air de bon samaritain je lui proposais une de mes mouches miracle pour la saison : mon fameux hanneton.Le Mouching, fly fishing, hanneton
À ma grande surprise, le type ne prit même pas la peine de me regarder ni même de me répondre. Peut-être une timidité excessive, pensais-je. J’étais prêt à faire demi-tour, lorsqu’il se tourna vers moi, tout surpris de ma présence et prononça une sorte de phrases qui ressemblaient à : «Ourmf…ourmf…Greu ..Grrr.»
Je compris alors que le type en question était un sourd-muet et que les sons qui sortaient de son gosier infirme, ressemblant à un bruit de lavabo se vidant, étaient tout ce que le malheureux pouvait m’offrir comme conversation.
J’ouvris la boîte de cachou Lajaunie renfermant mes invincibles hannetons et lui en offrir un.
Quelques gloussements plus tard, il accepta mon offre avec un large sourire. Maintenant, je peux vous le dire, un sourire aussi solaire que le sien (à part celui de ma femme évidemment) je crois bien que je n’avais jamais vu de plus lumineux et sincère.Le Mouching, Fly fishing, language Une sorte de sourire comme celui des angelots que je voyais quand j’étais gosse sur les cartes des premières communions de mes amis chrétiens. Avec des paillettes dorées, et le bon Dieu qui vous faisait : « Hello ! » D’un signe de la main et qui vous invitait à ne pas tripoter les filles avant le passage devant Monsieur le curé.
Naturellement, comme deux vieux amis, nous nous mîmes à pêcher côtes à côtes, moi, lui indiquant les meilleurs coins de ma rivière, lui, gloussant et croassant comme une  joyeuse petite famille de grenouilles se tapant de délicieuses mouches comme dessert.
Nous passâmes ainsi un de ces après-midi de pur délice, un de ses rares moments de parfaite harmonie et de silence.
Quand, le lendemain, je retournais avec l’espoir de revoir mon ami sourd-muet et de savourer de nouveaux des riches heures de paix, à sa place, il y avait deux types d’une laideur confondante qui hurlaient comme des cochons qu’on égorge, chaque fois qu’ils loupaient un poisson. Et, afin de m’achever,  sur les berges, de la rivière, tout en écoutant Europe numéro un à fond les manettes, leurs épouses les encourageaient tout en filant des baffes à leurs mioches braillards.Le mouching, fly fishing, gros con
Même de l’autre côté de la rivière, derrière le grand virage bien plus bas, je pouvait les entendre clairement débiter des bêtises plus vulgaires les unes que les autres…  Envolé le cher silence de la veille, finie l’harmonie presque bouddhiste et, la rage au ventre je pliais bagages et rentrais chez moi me faire consoler par ma femme (Elle fait ça tellement bien !) et par une bouteille de Côtes du Rhône.
Chers lecteurs. Si par le plus grand des hasards vous connaissiez un sourd-muet intéressé par la pêche à la mouche, je vous en supplie, laissez nous ses coordonnées au bureau du Mouching qui transmettra. Il y va de ma santé mentale…Le mouching, fly fishing, Hopital