Comme mon épaule me fait un mal de chien, la saison commence mal, donc au lieu d’aller à la pêche, j’ai fait le tour des vide-greniers pour prendre l’air. J’ai vu pas mal de merdes mêmes pas bonnes pour finir leur vie ou en débuter une autre sur le Bon Coin. Des centaines de trucs en plastoque estampillés « Made In Hong Kong » car le « Made in China » était politiquement incorrect à l’poque de leur création… Et puis dans un gourbi sombre comme le cul d’une vieille, j’ai vu quelques outils rouillés dans une vieille caisse en bois, une chignole à main hors service, deux tournevis tordus, une tige filetée, quelques pointes de 12 et une lame rouillée, avec un manche tellement gras qu’il vous filait des mains. C’est cette lame qui m’a attiré, malgré la graisse du manche, ce fut comme Excalibur que l’on sort de son rocher. Ce truc était pour moi. La poignée était à ma main, la lame (ou ce qu’il en restait) était parfaitement équilibrée. Pas une lame de canif, non, une vraie lame de 30 cm de long. Je repartais avec MON couteau enveloppé dans une page d’une vieux Centre-Presse sous le bras, pour le prix d’un demi paquet de blondes. Arrivé à la maison, le couteau était encore plus beau, j’ai sorti un tampon Jex, du savon liquide et j’ai commencé à enlever la rouille de la lame. Au bout de quelques minutes elle avait une jolie teinte argent, pas un argent vif qui pète aux yeux, non, un argent piqué comme une vieille armure qui en avait vu des vertes et des pas mûres. Le manche, pareil, je m’y suis attelé avec de l’eau chaude, un chiffon et du savon doux, et sous la graisse est apparu un formidable manche en ébène, d’un noir mat et profond. Un manche qui à lui seul me disait, « Mec, tu connais pas encore le confort, mais là, tu vas plus pouvoir t’arrêter de découper ! » Ensuite avec une pierre à affuter bien grasse, je lui ai refait le fil. Et je l’ai essayé sur un bon saucisson, vous auriez dû voir ça, c’est comme si j’avais tranché un morceau de beurre. Ce truc, c’est pas un couteau, c’est une œuvre d’art !