La pêche ultime. Quand on est débutant, on veut absolument attraper un poisson, puis vient le temps où on veut épater la galerie (ou se rassurer soi-même), et on aligne les prises comme les perles sur un chapelet, le plus de poisson possible ! C’est la période qu’auparavant on appelait  »les remplisseur d’éviers », puis que la coutume était le « poisson pris, poisson frit » !  Puis avec le temps le pêcheur évolue, ils se concentre sur le poisson mahousse, la mémère qu’il aura ferré, bref il cherche la plus grosse. Toujours dans une recherche de trouver une assurance quelconque, essayer de se surpasser en domptant la nature, indomptable, le sentiment de toute puissance réside là. Puis, nous franchissons encore une étape, celle du plaisir que l’on prend à faire attraper du poisson à d’autres. On entre alors dans une période de communion totale avec la nature et l’espèce humaine, le don de soi pour le bonheur des autres, qui aujourd’hui ne passe plus par « rapporter une truite pour le déjeuner », mais plutôt comment les attraper, les relâcher et s’assurer qu’elles retournent dans un environnement sain.

Là où l’on prend tous un gifle, pour ne pas dire une bifle c’est quand on voit ce film de Reno Boyd où le bonheur n’est pas d’attraper le poisson mais de le leurrer et ce avec des mouches non pas sans ardillons mais sans hameçons ! La truite est le meilleur compagnon de jeu et le but ultime de la pêche moderne est aujourd’hui de satisfaire l’homme dans sa capacité à imiter ou à vivre en accord avec la nature, mais surtout tel un véritable jeu, à leurrer les poissons, qu’il ne consomme plus, mais où il n’a donc plus aucune raison de les blesser en les attrapant avec un hameçon, et ce simple geste suffit à agir comme un neurotransmetteur du plaisir, une sorte de dopamine !

Donc, je suis resté héberlué en regardant ce pêcheur mécaniquement couper les hampes de ses hameçons avec une pince, pêche ultime vers laquelle nous aspirons ? Je veux l’épanouissement que semble connaitre cet homme, de la même manière que j’avais été subjugué par Lee Spencer sur l’Umpqua, qui leurrait lui aussi les Steelheads avec des hameçons dont il coupait la hampe, pour ne pas les blesser…

Oui, je sais, le chemin est long, en attendant regardez ce film, c’est une leçon de zen.

« Je lance ma mouche, je ne pêche pas ».