Publié en 1989 aux Etats-Unis, il aura fallu attendre 1997 pour qu’une première traduction française soit disponible et 2018 pour que Gallmeister l’ajoute à sa collection Totem. Larry Brown, décédé subitement en 2004 n’aura pas connu le succès posthume des ses oeuvres.

Sale boulotMississippi – Un hôpital pour vétérans. Walter James est installé dans une chambre. A son réveil, il aperçoit son voisin – Braiden Chaney. Celui-ci n’a plus jambes, ni bras.  Walter possède ses quatre membres, mais n’a plus son visage. Tous deux ont été grièvement mutilés au Vietnam il y a plus de vingt ans.

Walter, jeune homme blanc, est revenu au pays, totalement défiguré. Incapable de sortir de sa chambre, il ne communique qu’avec sa mère et son jeune frère. Les années passent. Walter retourne souvent à l’hôpital. Il est atteint de convulsions et s’évanouit souvent. Il a noyé sa tristesse dans les médicaments et l’alcool. Son seul passe-temps : la lecture. Il sort uniquement en soirée. Une nuit, il se rend dans un drugstore et fait la connaissance d’une jeune femme ; celle-ci, malgré un premier contact difficile, lui donne son numéro de téléphone.

Braiden le sait puisque Walter va se confier à lui, entre deux périodes de sommeil lors de cette nuit. Il ne connaît pas Walter et trouve au départ étrange que cet homme se confie à lui,  sur son enfance d’enfant pauvre blanc, sur le ramassage du coton, seule culture sur leur ferme et sur son coup de coeur pour cette jeune femme. Walter n’a aucun souvenir sur son arrivée dans ce lieu. Il espère que sa mère et son frère viennent le chercher rapidement. De son côté, il découvre que Braiden n’est jamais sorti de l’hôpital depuis vingt-deux ans mais qu’une jeune femme noire lui rend visite, souvent la nuit. Elle vient cette nuit-là et Walter épie leur conversation.

Pendant cette longue nuit, les deux hommes vont finir par se confier, sur leur passé, leurs souvenirs douloureux (le Vietnam) et sur leur vie, ou plutôt celle qu’ils auraient tant aimé vivre et la dure réalité. En une seule et unique nuit, ces deux hommes vont vider leur sac et dresser un portrait glacial de la guerre et de ses effets pervers. Enfermé à l’intérieur de leur corps, ou de la chambre d’enfance, les deux vétérans ont vu passer leurs meilleures années.

« Pouvait pas sauver son bras qu’il disait, pouvait simplement pas le sauver. Alors il a vu le vieux Silver. Et le vieux Jimmy Stewart lui a dit, Doc, si vous sauvez ma jambe, mon bras ou je ne sais plus quoi, vous pouvez garder ce cheval. (…) Des années plus tard, il trouve son vieux cheval qui tire une charrette de charbon à Kansas City (..) et il le rachète. Ils vont le garder dans bonne écurie bien au chaud pour le reste de sa vie. C’était vraiment une histoire qui te remuait le coeur. Ca finissait bien et ils étaient tous heureux après. »

Incapable de communiquer avec le monde extérieur ou leurs familles, ils vont trouver en l’un et l’autre une écoute, où il pourront enfin confier leur souffrance, montrer de la compassion et évoquer leurs envies suicidaires.

Un livre puissant et évidemment sombre, mais je découvre que Larry Brown savait déjà dès son premier roman laisser passer les rayons du soleil à travers les nuages. J’ai été très touchée par le portrait de Walter, sur cette solitude, cet enfermement et sur son regain d’espoir avec cette histoire d’amour. Attention, avec Larry Brown, c’est du noir, du très noir. Et la fin ne vous laissera pas indifférente.  Mais que c’est beau !

Forcément, j’ai pensé immédiatement à La chambre des officiers de Marc Dugain, mais ici c’est l’Amérique, le Sud, le racisme,  les années 70 – donc ne vous méprenez pas.

Vous vous doutez bien que j’ai dorénavant très envie de sortir ses autres romans de ma bibliothèque.