derives-sanglantesDérives Sanglantes
Un roman de  William G.Tapply

Il me tardait de découvrir le personnage de Stonewall « Stoney » Calhou créé par William G. Tapply. J’ai donc cassé ma tirelire l’an dernier et acheté les trois volumes mettant en scène le célèbre guide de pêche : Dérive sanglante, Casco Bay et Dark Tiger. Malheureusement, je sais déjà que ses aventures s’arrêtent  là, William G.Tapply étant décédé d’une longue maladie à l’âge de 69 ans.

Stoney Calhoun est un survivant. Il le dit lui-même, et depuis il savoure chaque jour en faisant uniquement ce qui lui chante. Frappé par la foudre, l’homme, originaire de Virginie, s’est réveillé à l’âge de 33 ans en ayant perdu presque toute la mémoire. 18 mois d’hospitalisation et l’homme file sans s’arrêter jusqu’au Maine. Car Stoney sait, au fond de lui-même, qu’il connaît cet Etat et aime cet endroit. Un homme mystérieux lui verse la coquette somme de 25 000$ par mois, en échange Stoney doit ne pas fouiller dans son passé. Régulièrement, un homme en costumes vient vérifier que Stoney se tient à carreau et que sa mémoire est toujours aussi défaillante. Les années ont passé, Stoney est dorénavant guide de pêche, il savait déjà fabriquer des mouches et manier la canne lorsqu’il a accepté la proposition d’embauche de Kate, la patronne d’une petite boutique d’articles de pêche. Mais ce qui fait vraiment tourner la machine, c’est son job de guide de pêche, dans l’estuaire de Casco Bay mais plus souvent dans les nombreuses rivières où viennent pêcher à la mouche des centaines de touristes par an. Stoney est heureux, il a acquis un bout de terrain que traverse la Bitch Creek (titre original du roman), y a rénové une cabane. Il y vit avec Ralph Emerson, son épagneul breton, offert par son meilleur ami Lyle. Lyle McMahan a 26 ans, étudiant, il travaille avec Kate et Stoney comme guide de pêche, et c’est lui qui accepte de quitter son lit au pied-lever pour emmener un touriste de Floride aller pêcher. Stoney a la flemme, l’homme, nommé Green, la soixantaine, ne lui plaît guère. Il dit connaître un coin de pêche secret.

Mais Lyle disparait. Stoney, dont la vie coulait comme une rivière, s’en veut. C’était à son tour d’aller faire le guide. Les jours passent, Stoney décide d’enquêter et découvre bientôt qu’il pense et agit comme un flic. Mystérieux passé qui ne cesse de se manifester par des rêves très violents ou des hallucinations. N’a-t-il pas alerté un soir toute la police pour avoir trouvé un cadavre ? Ralph a bien gémi. Mais le cadavre a disparu. Lyle a été assassiné et maintenant on en veut à Stoney. Qui sont-ils ? A quoi est-ce lié ? Son passé ?electra3

Le talent de William G. Tapply est non seulement de harponner son lecteur avec la plus jolie mouche qui soit, mais de garder toujours son calme, ne pas s’emballer. Et surtout de placer les personnages au coeur d’une nature omniprésente, magnifique, sauvage (le fameux incendie de 1947), où Stoney adore aller pêcher. Sur son terrain, il peut admirer les truites remonter la rivière. L’auteur américain a su m’emmener avec lui dans cet état frontalier, aux hivers rudes, et à la nature généreuse. L’océan Atlantique, les forêts immenses et ses rivières nourricières.  Un petit coin de paradis pour les pêcheurs à la mouche.

J’ai adoré ces interludes, ces moments de sérénité et de quiétude avant la tempête. Même lorsque Stoney passe la nuit caché dans les bois à attendre son ennemi, Tapply réussit à faire de la nature un troisième personnage. J’ai senti la mousse qui pousse sur les arbres, le bruit des feuilles mortes lorsque Ralph y fourre sa truffe. J’ai vu les truites frétiller et leurs écailles se refléter sur la rivière.elctra1

Je me suis attachée moi aussi à Stoney, à son choix de vivre. Il relit une encyclopédie de la littérature américaine et cite allègrement les grands auteurs américains comme Whitman. Et puis j’adore la relation qu’il a noué avec son chien, Ralph. Personnage à part entière de cette histoire. Il l’accompagne partout, lui laisser monter la garde.  On n’a qu’une envie une fois la lecture terminée, s’envoler vers le Maine et rouler au hasard et apercevoir ces amoureux de la nature, ces guides de pêche qui se gardent bien de donner à nous pauvres touristes, leurs meilleurs endroits. Mais c’est tant mieux ainsi !

Vous l’aurez compris, un énorme coup de coeur pour ce personnage, le style de l’auteur et puis le Maine tout simplement. Oui, je sais encore un romancier naturaliste américain me direz-vous ! Mais que dire, sinon, qu’avec eux, je suis toujours en bonne compagnie, jamais déçue et en plus je me paie le plus le beau road-trip américain de tous les temps 😉