Le mieux en se promenant en médiathèque sont les rencontres inattendues avec un livre. The Axeman’s jazz m’a tout de suite plu. Ma lecture fut en anglais mais bonne nouvelle, il va sortir en français en mai prochain, sous le titre Carnaval.

Avec ces deux titres, avez-vous deviné le lieu où se situe l’action? J’ajoute Louis Armstrong comme indice… Et oui, en route pour The Big Easy ou Nola pour les intimes. La Nouvelle-Orléans en 1919.

Ray Celestin signe ici un premier roman qui tient toutes ses promesses. Si vous aimez Nola comme moi, vous ne pourrez que me suivre dans ces aventures.  The Axeman a vraiment existé, il a assassiné 6 personnes entre 1918 et 1919. L’homme ne fut jamais arrêté mais ses crimes devinrent célèbres : en effet, l’homme mutilait à la hache ses victimes et déposait sur chaque cadavre une carte de tarot (le jeu identique à celui utilisé dans le vaudou). Il écrivit une longue lettre à la presse où il menaçait de tuer quiconque n’écouterait pas du jazz le soir du carnaval. La presse la publia, semant la panique au sein de la population, surtout d’origine italienne, les victimes étant en majorité siciliennes. Les cartes de vaudou désignant, sans preuve, pour la presse et la population que l’assassin était probablement noir.

De ce fait divers sordide, Celestin réussit à mêler fiction et réalité. La réalité, c’est la vérité historique : la Nouvelle-Orléans en 1919 est décidément une ville totalement excentrique, où le passé et le présent se mêlent étrangement et où la magie semble encore imprégner l’air qu’on y respire. L’écrivain livre ici un thriller passionnant, un page-turner tout en dessinant un portrait fascinant de la Nouvelle-Orléans.

Mais avant tout, laissez-moi vous présenter quelques personnages phares de ce roman : la ville tout d’abord, construite sur des marécages, en-dessous du niveau de la mer, elle a déjà connu son lot de malheurs : tornades, inondations, épidémies (la grippe espagnole et le choléra). Les morts sont enterrés au-dessus du sol et accompagnés jusqu’à leur dernière demeure par des brass bands, ces fanfares locales où les cuivres dominent.

NOLA 02Lorsque le premier couple est retrouvé affreusement mutilé à la hache, la rumeur s’étend rapidement. La ségrégation existe en 1919 même à la Nouvelle-Orléans. Mais les frontières entre les habitants sont ici plus malléables, plus friables. Ici se côtoient des Siciliens, quelques Irlandais, les Cajuns, ces Blancs d’origine française, les Créoles (qui pratiquent le vaudou) et enfin les Noirs qui vivotent dans des quartiers mal famés près des marais.

the axeman's jazz CelestinIls sont plusieurs à se saisir de l’affaire : Michael Talbot, le policier chargé d’élucider au plus vite ces crimes, u journaliste, John Riley, toujours à l’affût des ragots ainsi qu’une jeune secrétaire d’une agence de détectives privés, Ida. Ajoutez-y Luca d’Andrea, un ancien flic ripoux mis derrière les barreaux par Talbot et tout juste sorti de prison (engagé par le mafieux local pour trouver l’assassin), et vous voilà embarqué dans une enquête passionnante.

Pour un premier roman, le rythme est parfaitement maîtrisé, on ne se perd jamais dans les personnages dont l’histoire personnelle (et les origines) vous offrent un portrait croisé et complet de la Nouvelle-Orléans. Car chacun d’entre eux porte un secret, que je vous laisse découvrir car ils ajoutent du piment à l’histoire.

Petit aparté : Ida entraine son meilleur ami dans cette enquête qu’elle décide d’entreprendre à l’insu de son boss dont elle soupçonne des accointances avec la mafia. Son meilleur ami ? Le jeune Louis Armstrong, joueur de cornet à pistons dans les brass bands de Storyville. Honnêtement la présence d’une célébrité dans le roman n’était pas essentielle mais Louis est bien né à la Nouvelle-Orléans, en 1901, orphelin de père, il a connu la misère et enfant il jouait du cornet à pistons dans les quartiers mal famés dont le célèbre Storyville. Ce quartier sous la coupe de la mafia sicilienne, et dont la fermeture en 1917 est partie intégrante à ce roman, est un autre personnage.  Aussi, Lou-is (prononcé à la française) a toute sa place. Et qui dit qu’enfant des rues, placé en foyer, il n’a pas croisé le tueur à la hache ?!

Bref, mélangez les tensions raciales et la corruption de flics, au jazz, à une dose de vaudou et un soupçon de mafia : vous obtiendrez un cocktail explosif !

J’adore cette ville, j’y suis allée trois fois et j’avoue : j’ai adoré remonter le temps et vivre ces années intenses où peu à peu le visage de cette ville cosmopolite prenait forme. Le suspense est omniprésent accompagné d’une excellente musique pour cette plongée incroyable vers les bas-fonds d’une ville grouillante et étonnante.

Ray Celestin livre ici un premier roman impressionnant  où il  allie style, rythme et suspens avec talent. La ville n’est pas sublimée, les rues sont sales, les caniveaux pleins, le racisme omniprésent mais la magie de Nola opère : la musique rythme la vie des habitants, leur vie et leur mort et notre cœur bat la chamade avec elle.

J’ai lu le livre en anglais mais comme je le précisais en intro, le livre va sortir en livre de Poche aux éditions 10/18 le 19 mai prochain (8,80€), traduit sous le titre Carnaval.