L’hiver arrive et c’est une bonne saison pour taquiner le brochet. Voici de quoi vous motiver grâce aux conseils de Mista Pike

Pour commencer, pourrais-tu nous faire une petite présentation s’il te plait?

Norbert: Né en France, j’ai touché le sol Irlandais à l’âge de trois mois pour la première fois. J’ai passé une partie de mon enfance en Irlande (école primaire), puis de retour en France pour quelques années avant de revenir m’installer ici avec mes parents et ma sœur. Cela fait plus de 25 ans maintenant que je réside à temps complet en Irlande.

Comment es-tu tombé dans la pêche et plus particulièrement la pêche à la mouche?

Mon père m’a passé le virus de la pêche, très tôt j’ai eu mes premières expériences au bord de l’eau. J’ai commencé comme tout gamin, avec une canne en bambou et un bouchon… Puis une évolution graduelle, pêche au poisson blanc, feeder, pêche à l’anglaise, grande canne, compétitions… Ce n’est qu’après plusieurs années que ma passion du brochet c’est développée. Là aussi, toutes les techniques y sont passées: mort manié, bouchon, posé, leurres , big baits, jerkbaits, leurre souple… Puis toutes ces techniques sont vite devenues lassantes pour moi, il me fallait un nouveau challenge, et c’est là que la pêche à la mouche est arrivée dans ma vie.
Pas de clubs, pas d’instructeurs dans ma région, et à l’époque il n’y avait pas beaucoup de ressources sur internet. Ce sont quelques vidéos sur YouTube qui m’ont appris à lancer et à monter mes premiers streamers.

C’était quoi ce premier streamer?

Mon premier était bien moche, mais j’ai vite appris que la beauté d’un streamer n’est importante qu’au pêcheur… Le prédateur est plus intéressé par le mouvement que par les finitions pointues. Ce premier streamer était simple, une queue de lapin (chartreuse), du marabou (rouge bien sûr) et une tête en époxy complètement ratée, uniforme, pleine de bulles, tout droit sortie d’un film d’horreur. Puis j’ai choppé le virus… Quatres heures et huit bières se passent après mon premier streamer et je me retrouve entouré de poils, plumes, flash et autres débris. Mon bureau a complètement disparu sous le bordel que je viens de créer. Mais je suis satisfait, j’ai une boite avec une demi douzaine de streamers, prêt pour aller traquer mon premier broc à la mouche.

Tu es passionné par le brochet, mais pourquoi avoir choisi cette espèce de poisson et pas une autre?

C’est une réponse simple, le brochet est LE prédateur ici en Irlande. C’est agressif, ça devient gros, c’est un poisson qui change d’humeur très souvent, et chaque jours sur l’eau c’est différent. C’est un poisson qui me remet constamment en cause.
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Peux-tu nous raconter ton premier brochet à la mouche, ce que tu as ressenti…?

Ce brochet marque le moment où ma carrière de pêcheur a complètement chavirée. Certains appelent ça “the dark side” ou le côté obscure de la pêche. Pas pour moi, c’est comme une renaissance, découvrir de nouvelles sensations et apprendre quelque chose de nouveau… Donc oui je me rappelle très bien de ce premier brochet. Un jack d’environ 65 cm. Soie flottante début mai en Irlande, je strip mon streamer 30cm sous la surface d’un lac avec des eaux bien claires, environ 3 mètres de fond. Il arrive derrière le streamer et le suit… et suit… et suit… Puis finalement, il me sort de cette torture en avalant le streamer bien profond. Bien athlétique, il me surprend par sa vitesse et la soie se coince sur tout ce quelle peut trouver au passage… Ce genre de choses n’arrivent pas quand on pêche en spinning.

Quels conseils peux-tu donner pour les personnes souhaitant débuter la pêche d’Esox?

Il faut se lancer, tout simplement. On a beau lire des articles et des livres sur le brochet et ses pêche, mais rien ne remplace l’expérience sur l’eau. L’une des premières chose à apprendre à mon avis, c’est le respect du poisson, bien savoir le combattre, le décrocher, et le remettre à l’eau dans les meilleures conditions possible.
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Et au niveau matos?

En materiel, on a de nos jours de plus en plus de choix. La pêhe du brochet à la mouche est devenue très populaire ces dernieres années et les marques de pêche ont vite pris le dessus avec de nouveaux modèles de canne, soie et moulinet pour le brochet. Le matériel c’est très personnel, tout entre en jeu, le budget, le style de lancer, les types de streamers utilisés et le poisson recherché. Pour ma part, je suis passé à la fibre de verre depuis cinq ans maintenant. Beaucoup de pêcheurs pensent à la fibre de verre de papa, lourde et avec une action de nouille trop cuite. Mais les cannes en fibre de verre moderne sont complètement différentes. Bien plus légère, mais une souplesse qui est toujours présente. Et c’est cette souplesse qui est fantastique. Je trouve l’action de la fibre de verre très adaptée au brochet à la mouche. Plus souple, elle se charge lentement et ça c’est parfait pour lancer de gros streamers à broc. Ici, les brochets adorent sauter hors de l’eau pour cracher les leurres et streamers. Une canne souple encaisse sans effort toutes ces secousses. Et le combat!!!! Ça plie avec des angles qu’on ne peut même pas imaginer avec du graphite. Mais il ne faut pas penser pour une seconde que ça n’a pas de puissance. Il y a une énorme réserve de combat dans la section de la poignée. Pour lancer, il faut juste une période d’adaptation quand on débute avec la fibre de verre. Je pêche principalement en soie de 10 pas seulement pour lancer des gros streamers, mais aussi pour pouvoir avoir de la réserve par jour de vent (et ici c’est très souvent qu’il faut faire avec des journées venteuses). Une canne pour soie de 10 permet aussi de réduire les combats et ainsi remettre les brochets à l’eau en pleine forme. Bien sûr, hameçons avec ardillons écrasés et pour le bas de ligne, je suis 100% acier ou titane. J’ai une grande préférence pour de l’inox multibrins de chez American fishing wire, le “Bleeding Wire” en 15 kgs minimum. Je déteste le fluoro (ici en Irlande et pour les trips en Alaska).Le fluoro ne sert à rien ici, seulement à se faire couper régulièrement. En tant que guide et propriétaire d’un lodge de pêche, j’ai trop vu de poissons repartir avec streamers et leurres dans la gueule. Et puis à quoi ça sert de monter des streamers qui sont légers et nagent naturellement, pour monter devant du 90 centième???
Mes leader sont super simples, 1.50 m d’Amnesia 14kgs relié à la soie boucle dans boucle et je raccorde le bas de ligne avec un noeud “6 turn Yucatan” facile à trouver en vidéo sur youtube. (je ne fais que trois tours avec l’inox).
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Tu es également un excellent monteur de mouche, qu’est-ce qu’il te plait tant dans cet art?

Ce qui me plait le plus c’est quand on monte ses propres streamers, on a pas de limite, la seule limite est notre imagination. On est pas soumis à cette pression commerciale comme les pêcheurs aux leurres. On fait, on monte ce qui nous inspire.

D’ailleurs en terme d’imagination, j’ai pu voir que tu t’ai amusé à monter une tortue. T’as pêché avec?

Malheureusement je n’ai pas pu l’essayer… Je l’avais monté pour mon dernier trip au Costa Rica pour les coryphènes et elle est restée dans ma valise avec tout le reste de mon matos. Merci Air Canada pour avoir perdu ma valise. Je l’ai quand même récupérée mais trop tard.
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Quel genre de matériaux utilises-tu le plus et pourquoi?

J’aime autant les matériaux synthétiques que les naturels. J’ai quand même un point faible pour le lapin, bucktail et le flash. Pour le brochet, j’essaye de trouver des matériaux un peu partout, surtout les fibres synthétiques. Il existe des fibres et flash pas chers, facile à trouver sur le web sans avoir à dépenser une fortune. J’essaye de fabriquer un maximum moi même. Je pêche beaucoup avec des streamers articulés, faire ses propres shanks fait une économie non négligeable et je suis libre de faire n’importe quelle taille.

Quels sont tes streamers favoris?

Les t-bones de différentes tailles, articulés ou non, ça pousse beaucoup d’eau et ils ont une grosse présence dans l’eau. Les flash tails aussi sont toujours dans ma boite, avec différentes variations.
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Et si tu devais en choisir qu’un seul, ce serait lequel?

Un seul… MMMMhhh… c’est comme choisir entre son père et sa mère… Je peux en choisir deux? Le T-bone et ses variations (MiniBone, Gamechanger) et le flasher. J’ai une série de vidéos sur youtube avec tuto de montage de mon top 5 qui va bientôt sortir.

De plus en plus de gens utilisent des tubes flies. J’ai remarqué que tu en montais assez peu. Pourquoi?

Je ne suis pas un grand fan des tubes, on a pratiquement toujours la même nage avec des tubes, le fait que le leader passe à l’intérieur rigidifie trop la nage. J’aime des streamers “libres”, articulés en différentes sections, ou une nage genre jerkbait, ou une action de jigging rapide avec des têtes plombées. Je pense que l’action de nage des streamers et souvent plus importante que la taille ou la couleur.

Tu parles d’action de nage, comment ramènes tu tes streamers?

Tout depends de l’humeur des brochets… Ca va du mini strip de 10cm avec longues pauses au rolly polly rapide.

Pour continuer, j’aimerais que tu nous parles de ton lodge.

Mes parents ont ouvert le lodge en premier, puis j’ai repris les rennes depuis 10 ans quand ils ont pris leur retraite. Le lodge est situé au milieu de 365 lacs et rivières. Un véritable paradis à brochet. Le lodge offre pension complète et possède différent type d’embarcations pour les clients. On peut pêcher du bord, en float tube, en bateau sur les plus grands plans d’eau, et dernièrement je viens d’importer des Etats Unis un raft pour pêcher les rivières en été et offrir à mes clients un tout nouveau type de guidage (premier raft de ce type en europe). Le lodge accueille 10 personnes maximum.
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Est-ce que le raft à vraiment changé ta façon de guider? Si oui, comment? Quels sont les avantages et les inconvénients?

Oui le raft est une révélation! J’adore guider en raft. Quand tout les lodges et guides passent au bassboat avec 150cv et toute l’électronique imaginable, je tourne de direction et je reviens aux bases. Le raft est silencieux, il passe dans très peu d’eau, il est écologique (mes bras sont le seul moteur a bord). Je trouve ce type de guidage plus “intime”. J’adore les rivières, le paysage change tout le temps et elles ne sont jamais pareilles d’une semaine à l’autre. Quand les niveaux baissent en été beaucoup de brochets migrent vers les rivières pour rechercher de la fraîcheur et un apport d’oxygène. Le raft me permet d’accéder des coins qui sont impossibles à pêcher à pied ou en bateau.
Le seul inconvénient c’est le vent quand il souffle fort, avec son faible tirant d’eau le raft devient difficile et capricieux.
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Tu voyages également pas mal, quelle destination as-tu préféré?

J’aime tout type de (gros) poissons, donc les destinations changent mais ne se ressemblent pas. Il est difficile de comparer l’Alaska, l’Irlande avec des pays tropicaux. Chaque voyage est une aventure et c’est ce qui compte le plus.

Raconte-nous une petite anecdote lors d’un de tes voyages?

Des anecdotes, j’en ai pas mal, mais l’un de mes meilleurs souvenirs me vient d’un séjour en Alaska. Plus particulièrement sur la rivière Innoko. Notre quatrième jour de pêche fut miraculeux, avec plus de 40 brochets de 40 inches (102cm) pris en une journée à la mouche avec mon ami Dominique.

Quel est ton prochain projet?

J’en ai plusieurs, il faut toujours avoir des projets. Je repars au Costa Rica cet hiver, puis l’été prochain je retourne en Alaska, sur l’Innoko pour battre de nouveaux records. Prochains projet Airama en Guyane et faire découvrir l’Alaska à mes clients.

Qu’est-ce que tu pourrais dire pour donner envie aux gens de se mettre au brochet à la mouche?

De s’y mettre au plus vite… Je regrette d’avoir attendu si longtemps… Les sensations sont inégalables avec d’autres techniques.

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Merci beaucoup Norbert

Pour aller plus loin:
site web: le lodge l’île verte
Chaîne YouTube
FACEBOOK: Flieswithattitude
Instagram: #norbertrenaud
Blog: flies with attitude