Aujourd’hui avec des roulements de tambours et dans un Pantheon presque déserté pour cause de confinement, on célèbre Maurice Genevoix, que tous les élèves de France connaissent, plus ou moins. Et c’est important qu’il soit au Pantheon, Maurice.maurice-genevoix-oeuvres-romanesques-completes-tallandier-reliure-plein-cuir-1212-vol

Petit, j’avais découvert dans la bibliothèque du couloir, celle réservée aux enfants, un rayon entier de livres sur les animaux, sur les grands espaces, sur les forêts et sur la pêche. Ça me changeait des histoires du Club des Cinq et autres livres qu’il « fallait » lire pour apprendre à aimer la lecture. Donc j’avais trouvé des histoires dans lesquelles je me plongeait, assis en tailleur sur le tapis, enivré par les odeurs de la campagne et la découverte du monde des animaux et de la campagne. Je m’y identifiais plus que dans autres histoires. Je connaissais les animaux de la forêt, j’arpentais les berges de l’Aveyron, je construisais des cabanes et observais un monde d’animaux qui ne détectaient pas ma présence.

Et puis j’ai lu Raboliot ! J’étais fasciné, je voulais être lui, je voulais que les forêts de Palanges soient plates comme la Sologne qu’on traversait à toute berzingue quand on quittait Paris, je guettais les « pieds » des sangliers, ceux des chevreuils. Je m’inventais des aventures de chasseur. Puis la Dernière Harde, et dans mon enthousiasme, j’avais comme livre de chevets un livre de Maurice Genevoix, c’était ainsi. MjAxODExZDQ4NjE2NjFmMmQ0MjUwOGU3YmFkNDVkN2NmYjVhNDk

La boîte à pêche m’est tombé entre les mains par hasard, je ne sais pas comment, mais tout d’un coup, ma vie rêvée devenait réalité, aller à la pêche était à ma portée, je me suis mis a arpenter l’Aveyron avec ma gaule, et mes potes surtout, car je pouvais partager ma passion avec Jean-Marc, Gérard, Didier et Dominique, mes amis de tous les jours, on pêchait les vairons, on faisait les fiers dès qu’on avait une truite qui nous faisait passer pour des champions, on se racontait des histoires de braconniers, on s’imaginait poser des cordes, on pêchait parfois à la bouteille pour ramener des poignées de vairons qu’on faisait faire frire à la cuisine et que fièrement on gobergeait en buvant de la limonade, ou du Pschitt ! Bref, les histoires de Maurice Genevoix, m’ont bercées et ont fait ma jeunesse. AVT_Maurice-Genevoix_5092

Et puis il y a eu l’école, où là tout m’est tombé sur la figure, je crois me souvenir que le professeur avait demandé qui connaissait Maurice Genevoix, j’avais tendu mon bras comme une fusée pointant vers le ciel, fier d’avoir cet avantage, un peu comme si on parlait d’un membre de ma famille. Mais là le ciel s’est obscurcit, mes forêts et leurs petits animaux, les étangs et leurs grenouilles, les rivières et mes copains pêcheurs, tout, tout était balayé par la mitraille, la peur, la mort, les blessé et la Grande Guerre, Une déchirure, une tristesse immense s’est emparée de moi, comment celui qui me faisait rêver avait-il pu décrire ainsi cette guerre ignoble. Et puis avec les explications de textes et les cours d’histoire, j’ai compris que l’on pouvait décrire sa souffrance comme un animal qui lécherait ses plaies pour se soigner, qu’écrire avait une fonction réparatrice et que Genevoix était un putain d’écrivain et que grâce à lui, la Nature est à sa place au Panthéon.