Aujourd’hui il fait une vraie belle chaleur amazonienne, de celle qui vous brûle les pieds sur le plancher métallique du bateau, de celle qui vous ramène le soir rouge comme une tomate, de celle qui colle les poissons au fond des trous en quête d’un peu de fraîcheur. Et en plus le niveau de l’eau est ridiculement haut…

Il semblerait que l’Amazonie soit entrain de vivre sa plus grosse crue en dix ans. On ne peut allumer la télévision sans voir un reportage sur les habitants des Palafitas, ces sommaires maisons de bois sur pilotis qui faisaient le charme de la zone portuaire de Manaus, où l’on voit des familles entières pataugeant dans leur cuisine en surélevant leur frigidaire sur des caisses de bière vide. Beaucoup de ces frêles habitations ont été détruites et relocalisées dans la zona norte de la ville (voir le travail du photographe Hubert Hayaud), à la place : des parcs publics édulcorés quasi désertés. Motif officiel : préparer la ville à la coupe du Monde de football 2014.

Les fleuves débordant dans tous les sens, la pêche n’est malheureusement pas très facile. On le sait maintenant, il faut vraiment lancer loin dans les troncs d’arbres (parfait pour les rois du skipping !) et être diaboliquement précis.

 La précision j’y travaille. La clé à la mouche c’est le bas de ligne : 1 mètre de fluorocarbone de 60lbs. Pas plus long sinon c’est l’embrouille. J’essaie de poser ma mouche, sans la piquer dans une branche, sans que le bas de ligne ne s’entoure dans une racine émergente, Je suis pas là pour faire un travail de décoration floral moi !… Ça tombe correctement Bingo !

Deux tirées dans ces remous derrière cette branche et Touche ! Raté au ferrage… je relance, touche et re-raté.. bizarre ? Je jette un coup d’oeil à mon streamer en peau de lapin. Celle ci pendouille ambiance vieux chewing gum en poil de chat écrasé. Piranhas !! Fuyons !

Je démêlais ma soie qui était devenu molle comme un spaghetti trop cuit lorsque j’entendis au loin le bruit le plus épouvantable qui soit. C’est d’abord quelques craquements sourd puis viennent quatre ou cinq explosions et enfin une chute mugissante de mille hurlements brisant tout sur son passage. C’était un arbre qui tombe, et pourtant il était loin. Quel effroi ! Nazareno prétend qu’il est tombé naturellement, mais il devait très vieux et très gros.

Même sur le bateau on nous sert de la viande de boeuf, ici au royaume des poissons. Mais les brésiliens auraient trop le saudade si ont leur enlevait leur churasco, leur grillade juteuse. Ces boeufs viennent d’élevages locaux, des fazendas construites sur la forêt qu’on coupe et brule pour en faire des pâturages. En attendant le piranha, ça fait une bonne soupe, qui pique un peu..

Nazareno travaille à trouver les endroits propices à ces eaux trop hautes. Il faut beaucoup naviguer, une excellente excuse pour boire les bière glacées embarquées à chaque équipée. Avec cette chaleur nous les transpirons dans le quart d’heure.

La rivière est peuplée de bras morts, celui dans lequel nous rentrons est magnifique, si calme, si accueillant avec ses bordures denses qui paraissent fort poissonneuses. Et en effet au bout de 50 mètres, il y une barque de pêche concurrente qui vient de sortir un beau tucunaré, le pêcheur pose avec sa prise pour la photo.

Une fois encore nous partons plus loin, j’en profite pour me mettre de l’anti moustique. En bon touriste je suis arrivé en bermuda et en t-shirt en Amazonie, en quelques jours mes pieds se sont transformés en plaie géante, mes jambes était piqués de rouge comme les belles farios du Montana. Je me suis fait défoncé ! Dieu merci il n’y a pas de malaria dans ce coin… Grosso modo il y a deux sortes de fleuves en Amazonie, ceux avec les eaux noires et ceux avec les eaux marrons – café au lait, les premiers sont sans danger, les seconds blindés de moustique. Et nous alternons…

Tous mes compères sont en pantalon avec des chemises à manche longues, Danilo a même acheté une chemise de Rambo avec capuche à filet ! Mais le pire ce sont pas les moustiques mais une bestiole genre sandflies qui vous laissent une jolie petite goutte de sang sur la peau et une démangeaison qui vous donne envie de prendre une machette pour vous arracher la peau ou qui vous réveille la nuit pour vous gratter.

Nazareno fait le maximum mais nous arrivons faiblement à éviter la bredouille avec des petits peacocks. Il faut pêcher sous l’eau. Je retrouve mes réflexes de baitcaster et j’envoie des lancers latéraux en travaillant mon swing à la Tiger Woods. Blam ! mon leurre percute à toute vitesse une branche, en une seconde une énorme perruque dans mon moulinet. Le genre de perruque qui sort de tous les cotés. L’enfer !

Je commence a tripatouiller là dedans, sans succès, je crise un peu de ma bêtise quand Nazareno me hèle : Donne moi ça ! Je lui tends la canne, et il ne l’a pas depuis 3 secondes qu’il me la retend aussitôt. Perruque défaite… Attends c’est quoi ton truc Nazareno ?! T’as fait un stage chez Shimano?

Le jour commence à baisser, la rivière prend cette lumière qui rappelle les toiles de Vermeer et autres peintres hollandais du XVIIè s. Il reste un peu plus d’une heure de jour et Nazareno lance le tout pour le tout. Nous nous enfonçons à nouveau dans la forêt mais nous suivons cette fois un petit cours d’eau. Problème : au bout de 50 metres le cours d’eau n’a quasiment plus d’eau… mais le guide ne recule pas et nous voilà à pousser le bateau, marchant sur ces branches à épines, slalomant avec cette barque qui parait gigantesque sur ce filet d’eau. Il faut jouer de la machette aussi.

Une demie heure plus tard nous sommes en sueur et nous déboulons enfin sur un long et fin lac aux eaux maronnasse. Déjà le crépuscule, nous peignons l’eau et je me rappelle des conseils de Betinho qui soulignait l’importance des plages pour le peacock soir et matin. Encore quelques lancers dit Nazareno. Mais ça fait pas 5 minutes qu’on est là protestais-je en lançant le long d’une île. Avec minutie je fais travailler mon stickbait quand il se fait engamer à la vitesse de l’éclair. La touche du peacock en surface quand même !! LE shoot d’adrénaline ! Mon frein pourtant serré à fond crisse, le poisson réussit à prendre 15 mètres de fil. Waouh ! Je tire comme comme une brute et Nazareno s’affole : Laisse le se fatiguer ! Le poisson a du comprendre car il arrive au bateau, la gueule ouverte, énorme, éclaboussant de couleur la nuit qui tombe. Un généreux 8lbs ! 4 kgs plus ! waou tro booo !


 A peine le poisson relaché, nous devons partir car il fait nuit maintenant – quelle frustration de ne pouvoir continuer à prospecter ce lac reculé – et il faut refaire le chemin inverse dans le labyrinthe de la forêt. Haut les coeurs !  Allez demain il faut que ça saigne !