Ceci n’est que le début de quelque chose qui promet de laisser une marque indélébile dans ma carrière de pêcheur. Ce week-end, j’étais en Normandie chez mon ami Flavien Malemprée (merci encore pour l’hospitalité !!) et le plan était de sortir en mer à la recherche des requins taupes pour les tenter à la mouche. Et on est sortis. Le requin à la mouche, le flysharking comme j’aime à nommer cette étrange activité, c’est très glamour quand tu en parles à tes copines à la terrasse d’un café. Ça te donne tout de suite une sorte d’aura, celle de la témérité de courir à l’aventure — avec une canne à mouche. Les détials, c’est souvent le cas, sont un peu moins glamour. Préparer la strouille est assez loin du mauvais côté de la limite du répugnant, et puis l’action consiste pour l’essentiel à ne rien faire pendant que toutes ces petites particules parfumées vont faire de la racole dans les courants pour l’open-bar à requin que tu viens d’ouvrir. Il faut y croire.

Mais tout à coup, il apparaît, le prédateur avec toute la lente tranquillité de ses cent kilos, ce regard aux antipodes des yeux écarquillées des poissons. Il est autant là pour toi que toi pour lui, et la question de savoir qui traque l’autre est indéterminée. Je n’avais jamais fait l’expérience de ce genre de sentiment. La stupeur, et le respect. Flavien, lui, n’a pas perdu une fraction de seconde à cogiter : il était déjà canne en main à essayer de faire prendre son streamer au requin. Il est venu voir (et Flavien a frôlé à ce moment l’incident cardiovasculaire) puis il est retourné aux profondeurs. On ne l’a pas revu de la journée.

C’est tout pour cette première fois. Mais on y retournera, et on en a la certitude : tôt ou tard, on en ferrera un. Et là, l’enfer se déchaînera.