Les Truites oubliées du Volcan.

Voici le premier article d’un de nos amis,  Kevin Chambon guide uniquement à la mouche, sur l’île de la Réunion et dans le Verdon !

Il était une fois dans l’Océan Indien, un caillou, une protubérance gracieuse… Une île volcanique dont le sommet culmine à plus de 3000 mètres d’altitude. Ce toit de l’Océan Indien, le Piton des Neiges, fait en partie la renommée de ce magnifique caillou que l’on nomme Île de la Réunion. Mais le Piton des Neiges, n’est pas seulement le dominant, il est aussi à l’origine de la naissance des trois grands cirques, Salazie, Mafate, et Cilaos. Issus de l’effondrement des chambres magmatiques du grand volcan, ces cirques attirent chaque année des milliers de touristes et amoureux de nature au sens large.2

L’île est encore plus connue pour son volcan encore actif, le Piton de la Fournaise, pour ses habitants dont le vivre ensemble est gage de très belles rencontres, et pour le formidable terrain de jeu de tous les amoureux de sport-nature.

En revanche, elle l’est beaucoup moins pour ses truites sauvages et les paysages enchanteurs dans lesquels on les retrouve…3Tout commence alors que la rosée retombe en prenant la place de cette nuit qui s’estompe lentement. La cafetière crépite et les premières effluves d’arabica se font sentir… 4Cela semble faire apparaître les premières lueurs du jour ainsi que les premiers chants d’oiseaux. C’est dans cette atmosphère de premier matin du monde que nous observons le soleil émerger de cet océan à perte de vue. Suspendu dans ce gracieux instant, ce café a une saveur particulièrement intense.

Sortis de notre torpeur et une fois le campement plié, il est temps de commencer notre expédition pour rejoindre ce fond de vallée dont les rumeurs se veulent sauvages, luxuriantes, et peuplées de truites aux robes sublimes.

La marche d’approche est efficace, raide mais sans danger. Comme attendue, la végétation est éclatante et le vert tropical qui s’en dégage est un plaisir pour les yeux. On joue à cache-cache tantôt avec les Cardinals, les Tec-Tec, ou encore des Tisserins dès que l’on croise un massif de bambous.

Et c’est au détour d’une petite ravine, que nous apercevons enfin la rivière. Le cœur s’emballe légèrement à l’idée de ce petit paradis inconnu et des potentielles surprises qu’il nous réserve. Sans y prêter attention, notre rythme de marche s’est lui aussi accéléré et nous gagnons les berges du cours d’eau en moins d’une demi-heure.5

Trépignants d’impatience, les cannes sont montées en un rien de temps. Le thermos et la Top25 sont sorties afin de faire un dernier briefing autour d’un bon café. Puis, nous nous mettons en quête de signes de vie dans la rivière. Si les truites ne trahissent pas encore leur présence, quelques insectes semblent pourtant présents.

C’est alors que le méandre laisse apparaitre un grand plat légèrement courant. Le soleil ayant pénétré la vallée, de discrets gobages percent la surface de l’eau. Nous y sommes.6

Tout en prenant le temps de savourer ce moment, nous nouons une imitation de petite éphémère à notre pointe. Nous choisissons la berge à l’ombre afin de nous placer discrètement (de façon optimale) pour effectuer nos premières dérives. Les gobages continuent et semblent trahir la présence de plusieurs poissons en poste.

Nous attaquons le poisson le plus en aval. La première dérive semble naturelle, mais ne sera gratifiée d’aucune réaction.7

Avec un plaisir à peine caché, nous nous plongeons dans la résolution de l’équation du moucheur visant à identifier : LA bonne mouche.

Petite observation pour tenter de glaner quelques indices sur le type d’insecte qui dérive et se fait happer par les poissons en poste. Ces derniers semblent s’alimenter dans la pellicule d’insectes minuscules. Nous optons pour une imitation de trichoptère en taille 18. Un corps crème et une aile en CDC.

La deuxième dérive se calque sur la première, à la différence que celle-ci se terminera de façon hâtive par un gobage franc. Quel bonheur !

Le combat se veut bref et une magnifique truite Arc-en-Ciel sauvage rejoint le filet. L’une des truites du Volcan, ces poissons sauvages, oubliés des fonds de cirques de l’Île Bourbon.8

Malgré la beauté de ce poisson et l’envie de faire durer le moment, nous la manipulons le moins possible et la relâchons très rapidement.

Une grande inspiration et un coup d’œil à la rivière afin de s’imprégner de ce moment de flottement. Naturellement, nos regards se tournent vers l’amont, un sourire est échangé, et nos esprits s’évadent en pensant aux trésors que renferment ces gorges et à la journée qui ne fait que commencer…9

Un mot sur les truites oubliées

Il est important de préciser qu’il est exceptionnel de pouvoir s’adonner à la pêche à la mouche des salmonidés sur une île tropicale. Cela est rendu possible grâce à la topographie de l’île de la Réunion et à la pérennité, tant quantitative que qualitative, de quelques uns de ses cours d’eau.

Les truites Arc-en-Ciel de l’île ne sont pas endémiques, mais ont été introduites au cours du siècle dernier. Ayant trouvé un biotope favorable à son implantation, la truite Arc-en-Ciel est aujourd’hui en capacité de se reproduire naturellement dans quelques milieux. De ce fait, les poissons que nous recherchons à la mouche dans ces sublimes cours d’eau sont ainsi totalement sauvages.

Ces milieux sont exceptionnels mais aussi très fragiles. Les populations de truites Arc-en-Ciel que l’on y trouve semblent globalement équilibrées et en bonne santé, mais soumis à un certains nombres d’aléas climatiques mais aussi anthropiques. Ainsi, il convient d’en avoir conscience et d’en prendre soin.