LES RODIER AND ME

Si par le plus grand des hasards vous cherchiez sur la carte de l’Ardèche un hameau nommé Versas (mais grands Dieux pourquoi le feriez-vous !!??) une loupe vous sera plus que nécessaire. Depuis le village de Joyeuse, vous grimpez et grimpez dans la montagne, loin des cohues des marchands d’huile solaire, loueurs de canoë-kayaks et pizza surgelées des gorges de l’Ardèche. Loin des milliards de campeurs faisant des efforts désespérés pour se chopper un cancer de la peau. Un coup de cul d’avoir déniché ce gîte que les époux Rodier, derniers vrais ardéchois du hameau nous ont loué pour une poignée de figue. Sont délicieux ces Rodier. Vieux comme des vrais vieux et pas comme des troisième âge. Et des yeux pétillants comme une poêlée de châtaignes avec un accent moitié Provençal et l’autre moitié plein de rocaille du Massif Central. On les aime de suite, nos proprios ! L’autre raison, et non des moindres, de notre séjour à Versas, est la proximité à vol de cormoran de ma petite rivière d’amour, la Beaume, avec ses gorges profondes comme celles de Jane Mansfield, si attirantes qu’une fois en bas, on n’a plus jamais envie de remonter sur la route et qu’on veut crever là, les pieds dans l’eau si fraîche et les truites mal élevées venant s’enhardir à vous sucer les arpions. Comme elle a souffert de la sécheresse ma pauvre Beaume ! Ne lui reste que la peau sur les eaux. Qu’importe. Ce matin j’ai promis une friture à mon adorable femme. Pas de truites, bien sur ! Les pauvres mignonnettes doivent se planquer au plus profond des gours en attendant les pluies d’automne. Pas question d’aller les faire chier mes belles. Par contre, les ablettes, sofios et autres poissonnets, il y en a partout et à foison ! Nous autre, au Mouching,, qui vous rabattons les oreilles avec des histoires de tarpons des Antilles, de steelheads de Colombie-Britannique et autres trophées exotiques, sachez qu’on est pas bégueule et, que les ablettes qui font de si belles fritures,  nous y allons avec la fièvre de puceaux. Ce matin, donc, j’ai monté en hâte sur la table de la cuisine, 3 petites imitations de scarabées en  mousse noire. Des trucs si simples à fabriquer et si efficaces en cette saison. Le petit « ploc » qu’elles font en heurtant la surface de la rivière suffit à mettre l’eau à la bouche des poissons que ça tient presque du miracle. Image 4N’allez pas croire néanmoins que l’affaire est automatiquement dans le sac. Ces poissons sont capables de recracher votre imitation aussi rapidement qu’elle la prenne et si, aujourd’hui, j’ai si peu de cheveux, c’est que je me les suis arraché, trop souvent par pure frustration. D’accord, je le concède, ce genre de pêche est certainement moins exaltante que celle plus « noble » des grosses truites Marmoratta de Slovénie, mais ça fait quand même l’affaire. Mon pote Oli, qui doit certainement passer l’éternité à pêcher les rivières fabuleuse du Paradis, se prenait, comme moi, un pied pas possible à capturer ces maudites ablettes. Bref sur le coup de 10 heures du matin, le cul sur la selle de ma pétrolette, je descendais vers les Deux Aygues, confluence de la Beaume et de la Drobie. Trois kilomètres d’épingles à cheveux sur une route si étroite que deux voitures normalement constituées n’auraient aucune chance de se croiser sans se foutre la gueule dans le ravin. Peut-être des Fiat 500 à la rigueur… Les chiens dorment au milieu de la route dans ces parages, c’est pour dire ! Le vent venait juste de se lever et ça faisait une drôle de musique dans les pins, un peu comme des vaguelettes se brisant sur la plage. J’avais ce matin là tiré le gros lot: la mer et la montagne ! Et me voilà tout seul en plein mois d’août en train de barboter dans ma Beaume d’amour (en fait maintenant que j’y pense, je crois que je suis plus un « barboteur  » qu’un pêcheur). Je noue un sac en plastoc au cordon  de mon short et dans ce décor de rêve, le remplis de la divine friture. Une heure après, en sortant de l’eau, ce sac a moitié plein me fait sur le bas ventre une sorte d’énorme couille verte. Ça fait marrer ma femme. Mais, le contenu de cette verte testicule, bien frit et croustillant, avec une goutte de citron, fut un repas de Prince et la sieste qui s’en suivit, torride.