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Ne me demandez pas comment je suis arrivé dans ce trou perdu du Labrador à passer l’hiver dans une réserve indienne. Trop long à expliquer. En tout cas, c’est la vérité vraie et c’étaient la veille du réveillon de Noël que mes amis indiens de la bande de Montagnais et Naskapi des environs de Shefferville  étaient venus me secouer hors de mon duvet. « Flèche, habille-toi vite, on part à la chasse aux Ptarmigans (perdrix des neiges) »

– « Vous est bien gentils, les gars mais moi, la chasse, c’est pas ma tasse de thé . Je n’ai jamais tenu un fusil dans les pattes. Je me suis même fait réformer du service militaire et ai passé trois mois en hôpital psychiatrique. Les armes à feu, ça me file des hémorroïdes ! »

« Come on, Flèche, c’est l’occasion ou jamais. Tu as voir, ça va être le FUN ! »

Qu’est-ce que j’aurais pu dire à ces charmants hôtes ? Que par le froid polaire, je préférerais plutôt lutiner la belle Anna, que justement son père était parti à Chicoutimi voir son frangin et que la Anna , bien qu’un peu rondelette, était tellement caressante et que son accent québécois me faisait bander sérieux…. Ce qui fait que je me suis retrouvé sur le scooter des neiges derrière mon ami Yvon Vollant dont les nattes me fouettaient la gueule. Il faisait -30° et, avec  la vitesse de cette saloperie de scooter, mes narines furent complètement gelées en deux coups les gros. Et le boucan qu’elles faisaient ces machines, ajouté aux cris de joie des Indiens, je me disais que les perdrix, s’il y en avait, on aurait bien de la chance de pouvoir leur chatouiller les côtelettes.

Après une demi-heure, transis de froid, nous faisons halte. « Tu vois Flèche, dans le petit bois là-bas, les Ptarmigans, c’est leur territoire. Tiens, prend cette carabine et viens avec moi ! « .  Après avoir enfilé nos raquettes, courbé en deux, nous nous approchons du bosquet. « Flèche, regarde là-bas….. PTARMIGANS ! » me souffle Yvon.

Une chose qu’ils avaient omis de préciser, mes amis indiens, c’est qu’en hiver, les perdrix ont un plumage blanc et que, du blanc sur du blanc, pour un type myope comme moi…

– « Mais regarde… ciboire de ciboire… sur la gauche… vas y, elle est pour toi…tu ne peux pas la manquer. Applique toi !  » À force d’écarquiller les yeux, ça y est je l’aperçois, la perdrix. J’épaule la carabine, je vise et BAOUM, je tire. Quand je lève la tête, je ne peux voir qu’un nuage de plumes blanches virevoltant, se détachant sur le ciel bleu. Et d’un coup, j’entends toute la bande d’Indiens qui éclate de rire. La raison ? Pour faire une blague au  » Français de France « , on m’avait refilé une carabine et des cartouches certainement bonnes pour la chasse à l’éléphant ou pour foutre la trouille aux sous-marin russes, mais la pauvre perdrix…volatilisée… explosée, atomisée ! Juste quelques gouttes de sang sur une broussaille, c’est tout ce qu’il en restait de ma volaille.  Il n’empêche que le soir, de retour à la réserve, les gibecières de mes amis étaient pleines et que le repas de réveillon avec toute la tribu fut mémorable et somptueux. On a mangé, bu, fumé du  » tabac comique « , le nirvana…

Et là où je suis resté comme deux ronds de flanc, c’est qu’à la fin des agapes, un jeune Indien Naskapi aux cheveux roux coupés en brosse (son père était un Écossais de passage) ramassa tous les ossements des perdrix, les mis dans un grand sac, enfourcha en pleine nuit son scooter des neiges afin de déposer les restes  des volatiles sur le lieu même où elles avaient été sacrifiées.

C’est là que je me suis dit que si on avait l’envie ou la prétention d’en faire autant avec les os des poulets  qu’on achète au supermarché, on aurait l’air un peu con et c’est ce qui m’a fait hésiter un long moment à revenir à Paris et laisser toute seule la belle Anna et son sourire d’ange, dans ce troublant trou blanc  perdu du Labrador.

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Don’t ask me how I came to be in Labrador, spending winter in an Indian Reservation, in this lost hole… it’s too long a story. In any case, it’s a true story; it was Christmas eve and my Indian friends (of the Montagnais and Naskapi tribe who live around Shefferville) came to shake me out of my eiderdown.  

 « Fleche, Get dressed quick, we’re going to hunt Ptarmigans (Snow Partridges).

 « That’s really nice of you guys, but hunting just ain’t my thing. I’ve never had a rifle in my hands; I was even declared unfit for military service and spent 3 months in the psychiatric hospital. Weapons…  just the idea gives me hemorrhoids! »

 « Come on Fleche, it’s now or never. You’ll see, it’ll be a lot of fun! »

 What could I say to my charming hosts?  Tell them that, rather than go out into the polar cold, I would prefer a tumble with the lovely Anna, whose father just left for Chicoutimi to see his brother and Anna, although a little chubby, was very snuggly and that combined with her cute Quebec accent always gave me a hard-on… I soon found myself on a snowmobile behind my friend Yvon Vollant whose braids kept whipping my face. It was 30 degrees below zero and together with the speed of the dumb snowmobile, in the blink of an eye my nostrils were completely frozen. The terrible racket the machines made, combined with the joyous shrieks of the indians, would frighten off any partridges (if there were any). Well, I thought, we’re gonna need a lot of luck to even see a partridge.

 A half hour later, chilled to the bone, we stopped.

 « Fleche, you see the woods over there, that’s partridge territory. Here, take this rifle and follow me. » We tied on our snow shoes, and approached the woods.

 Yvon whispered, « Fleche, look over there… PTARMIGANS! »

 My indian friends omitted to tell that in winter the partridge feathers are white; and white on white, for someone near-sighted like me… 

 « Just look… chalice of chalice… on your left.. go ahead, she’s yours… you can’t miss her. Concentrate! »

 After staring really hard I saw the partridge. I brought the rifle up to my shoulder, I aimed and BOOM, I fired. When I raised my head all I saw was a cloud of twirling white feathers floating in the blue sky. All at once I heard the whole tribe of indians roaring with laughter. Why? For a little joke on a frenchman from France they gave me a rifle and cartridges that were powerful enough to hunt elephants or scare the shit out of Russian submarines. But the poor little partridge… exploded, volatilized! Just a few drops of blood on the shrub, that was all that remained of my fowl.

 In spite of that, when we returned to the reservation at night my friends had hunting bags full of fowl and Christmas eve dinner with the whole tribe was memorable and sumptuous. 

 At the end of the banquet I was dumbfounded to see a young crew cut, red-haired Naskapi indian (his father was a traveling Scotsman) gather up all the partridge bones in a big sack and, in the middle of the night, jump on his snowmobile to deliver those remains to the same place where they were sacrificed.

Well there it is I said to myself, if I had the desire or even the pretension to do as much with the bones of chickens that I buy at the supermarket, I’d look like an imbecile; that’s the sort of thing that made me hesitate a long moment before being able to return to Paris and leave behind the lovely Anna with her holy smile, in that lost hole in Labrador.