Arrivé à minuit sur le lac de Balbina, je grimpais en silence dans la longue barque métallique avec Nildo mon guide pour me rendre à la Ilha do Jeff (l’île de Jeff), une pousada bien connue des pêcheurs située au nord ouest de l’immense mer intérieure. 30 minutes de ballade et aucun réseau téléphonique ou internet là bas. La vraie vie peut commencer..
A 6h30 nous sommes sur l’eau. Nildo conduit la barque en slalommant entre les troncs d’arbre qui hérissent l’horizon. Balbina, le désastre écologique le plus spectaculaire qui soit. A la fin des années 70 pour alimenter en électricité la ville de Manaus, le gouvernement décide de créer un lac de barrage. Des hectares de forêts sont incendiés puis coupés et enfin inondés ainsi sera créée une véritable mer intérieure de 2000km2 contenant quelques 3000 îles. Un pêcheur professionnel local me racontera qu’une fois il a passé 3 jours perdu dans ce dédale, obligé de manger son propre poisson cru.
Enfin la pêche va commencer ! Je commence a sortir mon shooting taper, prépare une quinzaine de mètre de shooting line. Nildo m’indique une grosse souche qui pourrait abriter un peacock. C’est parti ! le popper file dans l’air, plong plong… rien ne se passe alors deuxième lancer. La soie prend de la vitesse, je double tractionne de manière olympique, vise, lâche tout et schtooong une perruque de ligne vient se bloquer dans les anneaux. La haine.. Je démêle, recommence à lancer mais là encore une boucle se forme. Je commence à sentir la galère monter. Mister Loose serait il au rendez vous ?
Mon guide commence à stresser aussi voyant que je prends rien avec ce matériel qui me joue des tours. Du coup il fume cigarette sur cigarette qu’il roule dans un papier de carnet d’écolier.
Après des pluies diluviennes le matin, l’après midi est brulante avec un soleil éclatant qui nous carbonise instantanément. Je me tartine de crème solaire, mais c’est oublier que j’avais promis à Betinho de ne pas enlever le plastique de sa canne neuve qu’il m’avait prêté… Essayez la double traction par 40°C avec une main glissante sur une poignée en plastique : ma journée de pêche tant attendu vire au cauchemar… Je suis triste et surtout très énervé.
Une nouvelle fois je me rends compte que la mouche n’est vraiment pas une pêche de prospection. Imaginez vous sur un lac de 2000km2 avec des arbres morts tous les 5 mètres quasiment : alors où lancer ? Une bonne canne de casting serait rêvé pour faire du powerfishing…
Aussi avec mon bras droit encore endolori je dois m’épargner des efforts. Nildo décide de partir à la recherche des Tucunaré e seus filhos, le père et la mère en promenade avec leurs bébés. On inspecte la surface et quand on voit des petits mouvements genre eau nerveuse on lance dessus. Les parents peacock affolés de voir débouler un intrus au milieu de leurs rejetons lui sautent dessus, parfois c’est juste un coup de queue sinon il est engamé goulument.
Alors que je viens de repérer quelques poissons je lance fébrilement avec un taux d’adrénaline qui me porterait théoriquement directement à l’hôpital psychiatrique. Je tire la ligne en regardant à mes pieds pour être sur qu’il n’y ait pas de noeuds lorsque j’entends un splasch d’enfer. Je ferre au hasard et relève la tête pour voir ma canne plié en deux. Le peacock ça tire même si je devine qu’il n’est pas très gros.
Après quelques rushs furieux j’aperçois le flan du poisson. Et là mes amis attention ! Une palette de couleurs vous éclabousse les yeux ! C’est le carnaval total ! Le jaune, le vert, là une nageoire bleue et puis ses gros yeux, cette gueule… waouh ! quel animal ! combien faisait il ce premier peacock ? 1,5kg ? Qu’importe… l’émotion est aussi grande que la bête superbe. Un vrai tableau de maître et une carte postale du paradis ! Relaché je reprends confiance pour la partie de pêche du lendemain, même si ma ligne ressemble à un accordéon au moins j’ai le sourire.