... ce soir là, quand nous avions quitté la ferme pour aller chez les Ashford, j’avais bien senti que Lylian n’était pas dans son assiette. Se doutait-elle de quelque chose ? Avait-elle remarqué mon petit manége avec Juliette ? En tous cas, elle ne pipait mot dans la voiture et fumait négligemment une cigarette en regardant la savane par la fenetre ouverte, me tournant pratiquement le dos.

La saison des pluies se terminait et les ornières laissées par les camions s’asséchaient petit à petit. J’avais plus l’impression d’être sur le Grand Huit de Coney Island qu’au milieu du Kenya. Je songeais à ce que Lylian pouvait bien avoir dans la tête. Mon regard était attiré par son poignet, je vis qu’elle ne portait plus le bracelet que je lui avais offert pour notre anniversaire de mariage… Elle savait, tout comme moi, que c’était la fin.
La voiture a fait une embardée, J’ai donné un coup de volant en gueulant « merde ! ». Nous étions posés sur le sommet d’un monticule de terre, j’avais beau passer la marche arrière puis la marche avant, impossible de se dégager. Lylian en profitait pour me rabaisser à nouveau, me traitant d’incapable, de minable ne faisant attention à rien. Je suis sorti en silence de la voiture pour aller chercher des branchages afin de nous dégager. Quand tout d’un coup, derrière moi, dans un barouffe du tonnerre, les arbres se sont écartés, les buissons se sont ouverts et un grand mâle furieux et sorti de la forêt. D’un seul coup il a écrasé la voiture dans laquelle Lylian pestait encore contre moi. Je suis resté pétrifié. Il m’a regardé et est reparti d’où il était venu.
La pluie a recommencé à tomber. J’étais triste et heureux à la fois. J’ai regardé la voiture écrasée sans m’en approcher. je remontais le col de ma veste et ajustais mon chapeau en m’enfonçant dans la nuit sur le chemin de la ferme des Ashford. Surement que ne nous voyant pas arriver, ils enverraient une voiture.