En lisant le récit de Rick Bass sur son épopée culinaire, j’ai appris qu’il était ami avec Larry Brown, malheureusement décédé trop tôt en 2004. Rick retourne à Oxford dans le Mississippi où vivait Larry et croise son fantôme, mais surtout voit son portrait partout, montrant à quel point Larry était sociable et aimé.

Du coup, j’ai voulu vous parler de son deuxième recueil de nouvelles, Dur comme l’amour confirmant mon coup de cœur pour cet auteur américain.

lb dur comme lamourDix nouvelles et dix histoires, qui,  à l’excepté d’une, m’ont toutes énormément plu. Voilà vous êtes prévenus : si vous aimez les âmes esseulées, ce recueil est fait pour vous ! Dix personnages majeurs qui s’appellent Léo, Lonnie, Louis ou Léon avec les mêmes initiales L.B.   Tous vivotent au fin fond du Mississippi. Leurs vies se résument à leurs sorties dans les bars, ou leurs balades en pick-up, avec un coffre rempli de bières fraîches. Ils fréquentent les bars malfamés, se battent parfois, et ressassent ce qu’ils ont perdu, essentiellement une vie de famille.

Tous sont divorcés, avec plus ou moins de contact avec leurs ex et leurs enfants. Les problèmes d’argent sont récurrent. Ils cherchent tous un échappatoire, dans l’alcool, dans la bagarre ou dans l’écriture. Ils sont endettés et sont souvent bourrés. Ils finissent dans la fossé, hagard, se réveillent avec des inconnues. Ils cherchent tous la même chose : l’amour.

Je ne me souviens plus des titres des nouvelles, mais j’ai en tête cet homme, marié depuis si longtemps, qui chaque nuit, se couche et doit se relever car son épouse a entendu, soit-disant, du bruit en bas. Il n’y a jamais rien, mais elle en est persuadée. Alors, il repousse le moment, feint le sommeil, ne veut pas quitter la chaleur du lit pour aller en bas. Mais elle ne cesse de lui demander alors il finit toujours par céder. Parfois, il en profite pour fumer une cigarette. Une autre nouvelle qui m’a beaucoup touchée est celle des ces vétérans, qui vieillissent seuls. Comme celui qui tient la droguerie, la Corée, le Vietnam les ont endommagés et ils n’ont jamais su avoir une vie de couple. Alors l’amitié devient essentielle. D’ailleurs, l’amour on le trouve aussi dans l’amitié. Comme c’est le cas dans une autre nouvelle, ou après avoir passé un nuit en prison (touché par une tragédie personnelle), le héros retrouve un compère de beuverie qui a paniqué lorsqu’il ne l’a pas trouvé. Il est son seul repère, sa bouée de sauvetage.

On a tourné pas mal. On a bu pas mal. (…) quand il a mis ce bon vieux P.L, le crépuscule du soir a commencé à virer au violet et à se couvrir de beaux nuages blancs baignés de lumière qui s’amassaient très haut dans les cieux et se déployaient lentement (…). Cette splendeur était telle qu’elle m’a fait tout simplement secouer la tête.  J’étais vivant, il était vivant, les serpents étaient dans les fossés, les cerfs s’aventuraient hors des bois, la bière était froide.

J’ai été très touchée par ces hommes, soit-disant durs, qui rêvent d’amour et cherchent dans leurs soirées de beuveries à trouver un sens commun, une communauté de vie. Du respect, de l’attention, de la bienveillance. La dernière nouvelle, 92 jours, est une novella (92 pages) qui a été publiée parfois séparément.

Elle raconte l’histoire de cet homme, écrivain, qui a tout perdu, sa femme, ses enfants, son job pour réaliser son rêve. Il ne travaille que lorsque l’argent vient à manquer. Il offre des tournées à ses amis, perd parfois l’inspiration, mais il n’abandonne jamais. Les mots le maintiennent en vie après les tragédies qui pavent son chemin.  Je repense aussi à cet homme qui préfère tourner longtemps en voiture, une bière à la main, qui repousse l’heure de rentrer dans cette maison, auprès de cette épouse qu’il pense ne plus aimer.

Larry Brown m’a emportée! Hâte de lire ses autres nouvelles et ses romans.

Editions Gallimard, 18 €