Aujourd’hui, je peux l’affirmer: Hervé Duchaussoy de la boucherie Duchaussoy, 55 rue Clémenceau ( à coté du Crédit Lyonnais ) à Epinay sur Seine, m’a tout appris.

Ce fut un vrai père pour moi. La macreuse, la bavette, l’onglet, c’est lui qui m’a enseigné comment les préparer. C’est lui, mon patron, qui n’a fait voir comment ajouter des morceaux d’âne mort à la viande de  » boeuf  » pour les hamburgers destinés au foyer du troisième âge de St Denis. Un vrai père, je vous le dis. Et toujours aimable et drôle avec les clients du magasin, ce qui aidait considérablement le commerce.

– » Une petite queue de boeuf comme d’habitude, M. Laurent, pour satisfaire votre dame ? ».

Tout le monde riait dans la boutique. Sauf M. Laurent, bien sûr !

Pour le labeur, M.Duchaussoy n’avait pas son pareil. Et que ça tranchait dans la bidoche, que même ses lunettes était pleine de sang. Mais attention ! Pas du sang ténébreux, non ! Du joyeux sang bien rouge comme les joues du patron.

Et puis, un beau jour, en traversant le boulevard Carnot pour aller s’acheter son paquet de  » Boyard papier maïs  » quotidien, chez le buraliste, ne voilà-t-il pas que l’ambulance de l’hôpital Saint-Marcel fait une embardée pour éviter une mémé imprudente sur sa chaise à roulettes et écrabouille mon patron.

La tête qu’il avait, le pauvre Hervé, c’était pas joli joli, je peux vous le dire. Comme un plat de hachis parmentier. Ils ont même dû utiliser une petite pelle pour tout ramasser. Heureusement ça n’a pas traîné , vu que l’ambulance était déjà sur place.

En tout cas, je voudrais dire ici, aux clients de la boucherie Duchaussoy que celle-ci ne fermera pas et que j’ai repris l’affaire en main et que je ferai de mon mieux pour que la mémoire de notre cher Hervé reste pure.

Lorsque j’ai décidé quelque chose, je suis têtu et je m’y tiens et, en reprenant la boucherie à mon compte, j’ai également hérité de la femme de mon patron.

Robert, qu’elle s’appelle. Àh oui j’avais oublié de vous dire que M. Hervé était… comment dire… bon, il était de la jaquette flottante. Vous voyez ce que je veux dire ?

En tout cas, Robert et moi nous nous entendons à merveille, grâce à Dieu. Il tient la caisse de la boucherie et les affaires vont bon train.

Le seul défaut que je lui connaisse à Robert, c’est qu’il ronfle, mais c’est pas Dieu possible. On dirait un Caterpilar tellement ça ébranle les cloisons de notre chambre. Bon, mais avec des boules Quiès, c’est supportable.

Et les week-ends, nous allons dans l’Yonne pour pêcher. Robert, il adore la pêche à la mouche.

-« Ca fait un peu tapette, tous ces mouvements. » Que je lui dis pour le taquiner.

Il l’a mal pris et un jour, il s’est mis à la pêche sérieuse.

On appâte avec des morceaux de gras de génisse et je vous dis pas les tonnes de poissons- chat qu’on ramène à la maison le dimanche soir.

Robert, il y a toujours de bonnes idées. Paul Duchaussoy serait fier de lui.

Il découpe les poissons-chats en tranches qu’il mélange avec les morceaux de  » boeuf  » pour faire les hamburgers du foyer du troisième âge de Saint-Denis. Ni vu ni connu. Ils vont tout de même pas rouspéter, ces vieux débris.Et puis ça fait du goût  » exotique « .

Et par les temps qui courent il n’y a pas de petites économies.

Le commerce avant tout ! ; c’est la moelle épinière de notre beau pays.