Quand on a pris notre pré-retraite de la R A T P, Marie et moi (Marie était dans le secrétariat, moi j’étais mécanicien.) on a déniché un charmant petit pavillon vers Villeparisis. Tout comme il faut. Un petit jardinet juste devant ou Marie plante des laitues, des radis et des haricots. Elle a la main verte mon épouse et, quand elle est au jardin à bîner et sacler ses salades, c’est à peine si elle se plaint de son dos tellement elle aime ça.

Moi, je passe le plus clair de mon temps au bar de la Gare avec mes nouveaux amis. Belote, tiercé… La belle vie, quoi.

Le seul inconvénient, c’est les jeunes du quartier.

Des moins que rien qui ne loupent pas une occasion de faire des conneries et d’essayer de nous piquer les outils du jardin où, comme le mois dernier, le chargeur de batterie que j’avais laissée sur le perron. Une honte, ces jeunes-là ! Où va le pays ? Je n’ose pas y penser.

C’est pour cela qu’on a été faire un tour à la SPA de Gennevilliers et qu’on adopté Adolf.

Adolf, c’est un berger allemand de 12 ans, gentil comme tout avec nous mais teigneux comme la gale avec tout ces crouillats et ces gitans malpolis.

Le seul truc à la con avec Adolf, c’est qu’il est légèrement obèse. Peut pas s’empêcher de bouffer tout ce qu’il trouve, des trucs les plus insolites comme les balles de tennis du voisin. Adolf, il n’en fait qu’une bouchée. Et hop! Ni vu ni connu.

Il y a deux semaines environ, une de ces saloperies de jeunes lui a balancé par-dessus la grille du jardin une grenade offensive qu’il avait dû chaparder au Fort de l’armée à Goussainville. En tout cas, ça n’a pas fait un pli. Adolf, il l’a avalé comme si ça avait été un Carambar.

Quand il a explosé, le pauvre clébard, quelques secondes après, il ne restait plus que des morceaux de barbaque et des poils roux et gris collés, ça et là sur les moellons du garage.

Alors, avec Marie, on a eu une idée du tonnerre.

Son frère, à Marie, il habite vers Étretat et on peut dire que c’est un sacré pêcheur, le Gilbert. Il connaît la côte comme sa poche et, les poiscailles de la région, il pourrait presque les appeler par leurs petits noms.

En tous les cas, le week-end dernier, on est allé lui rendre une petite visite et ça n’a pas traîné.

Deux heures après, le poisson était bien enveloppé dans un vieux sac à patates humide et, en route pour Villeparisis.

Que je vous explique l’idée. Le poisson  en question était un petit requin de la famille des « chiens de mer ». Vous voyez le topo ? Un chien de mer, pensions nous, ferait un excellent chien de garde. Et comme nous avions visé juste.

À peine de retour au pavillon, j’ai sorti l’aquarium de la cave, l’ai remplis de flotte et y ai mis Henrich. (C’est le nom que l’on lui a donné à cause de ses petits yeux de nazis.)

Hier matin, en sortant les poubelles, avec bonheur je me suis aperçu à quel point Henrich était efficace.

Un petit salopiaud avait sans doute voulu nous piquer quelque chose pendant la nuit, sans s’apercevoir qu’Henrich veillait.

Une chaussette pleine de sang et deux orteils tranchés nets.

On va enfin avoir la paix aux 14 bis rue Jacques Duclos à Villeparisis.

Croyez-moi, les chiens de mer, c’est l’avenir de la sécurité.