Tu vas voir, Fèche, m’annonça l’ami Sergio Bandeira, le célèbre Maitre es-carpe à la mouche- là ou je t’amène, c’est du sérieux .Tu veux voir des carpes? Tu en auras pour tes dollars.
Ouais..ouais, pensais-je, cause toujours ..Bandeira, ce n’est pas un nom marseillais et à moi, on ne la fait pas.
Comme disait le regretté Saint Machin Chose, quand je l’aurai vu, peut-être que je le croirais ! Et encore, pas sûr ! Le vieux coup des visions mystiques, je suis un spécialiste du genre.
Mais, nom d’un chien, il n’avait pas menti, le Sergio. Ce coin de pêche qui restera un secret (sinon Sergio me les coupe et ça, j’y crois dur comme fer !) je n’aurais jamais imaginé pareille beauté, grandeur et sauvagerie. En plein mois de juillet, quand plus de 80 millions de touristes envahissent notre cher hexagone, là, sur des kilomètres, pas un rat, pas un canoë-kayak, mais des poissons par millions et des carpes encore plus grosses que les fameux canoë-kayak, plus grosses et imposantes que des sous-marins russes et tout ça en France ! (Bouche cousue !)
« Et voilà la technique, me chuchote Sergio. Les carpes à la mouche, c’est un truc de fou . Uniquement celles qui sont à table sont éventuellement prenables mais, la présentation parfaite, c’est le secret !
Et le voilà, mon fameux guide, qui me fait un cours magistral sur cette pêche qui ressemble, dit-il, en difficulté, à la pêche aux mystérieux permits, fantômes parmi les fantômes…
Moi qui ne vaux pas un clou même à la pêche aux gardons Ardéchois , je me dis que la partie est loin d’être gagnée. Après deux bonnes heures de chasse sous un cagnard assassin, je repère une mémère, ou plutôt, c’est Sergio qui me demande : « Tu la vois là-bas, à 5 m, elle bouffe. C’est un beau poisson.
J’ai beau écarquiller mes yeux de myope, je mets un temps fou a enfin distinguer ce que je crois être cette fameuse carpe.
« Vas-y, Flèche, met lui ta mouche sous le pif ! »
Heureusement qu’il n’y a pas de cinéaste pour capturer mes lancers calamiteux. Mon ego n’y survivrait pas . Quand enfin, sorte de miracle, la carpe se déplace vers mon leurre.
Et maintenant, si vous me le permettez, un petit rappel des événements de la veille au soir. Ils ont leur importance pour la compréhension de la suite des évènements.
Un de mes cher cousin ( j’en possède des sacs ! ) me téléphone en fin d’après midi : « Flèche, est-ce que je peux venir dîner ce soir chez vous ? J’amène une copine. Ça vous va ?
Lorsque la copine en question débarque j’ai du mal à détacher les yeux de l’engin . Pas possible que ce lointain cousin pas très décoratif arrive à se lever une fille aussi ravissante, sexy et drôle à la fois …et en plus, elle a du sang asiatique dans les veines et moi, les jaunes, je ne peux pas résister très longtemps ! J’en suis comme cinglé. Il m’arrive même, dans les rues de New York de suivre ces beauté en oubliant complètement l’objet de la sortie de mon atelier et je me retrouve souvent perdu au cul du zouave sans m’en rendre compte.
Et celle-là, Dieu tout-puissant, quelle est somptueuse, tellement somptueuse que j’ai du mal à écouter la conversation, mes yeux dévorant chaque millimètres de sa peau mate, chaque cils de ses yeux en amande, chaque pli de ses lèvres gourmandes. Bref, je suis complètement sous le charme et passe la soirée autour de la table à balbutier des phrases idiotes, sans aucun intérêt.
Et c’est à cette soirée pleine de parfum de l’Orient mystérieux auquel je pensais au moment où j’entends Sergio pousser une plainte d’hommes qu’on assassine.
« Putain de putain, Flèche… la carpe avait ouvert sa bouche et saisit ta mouche..et t’as même pas ferré !!!. Des chances comme ça ne se reproduiront pas de sitôt ! »
Il faut vous dire, qu’au lieu de ferrer ce monstre, j’étais bonnement en train de penser que la belle asiatique, tout compte fait, était très nettement moins belle que mon adorable femme et, en fin de compte, une pensée aussi réjouissante vaut bien la perte d’une carpe, même une de 950 kilos.