Tout simplement parce qu’on aime les films de pêche, voici le RISE vu de l’intérieur.

Salut Pierre, pour commencer, peux-tu te présenter?

Bonjour, avant tout je tiens à te remercier Greg et à remercier Cyril qui, avec Le Mouching soutient notre aventure depuis ses débuts.
J’ai 48 ans, et déjà trente ans de pêche à la mouche exclusive. Je suis né avec une canne à pêche en main, au bord de la haute vallée de la Loire près du Puy-en-Velay. La Loire et ses affluents aussi bien vellaves qu’ardéchois m’ont permis de faire mes premières armes et continuent année après année à voir défiler mes mouches. Ici, nous avons un territoire de pêche extraordinaire avec deux grandes rivières : l’Allier et la Loire, et la proximité immédiate de la Haute Ardèche et de la Lozère.

Cette année, vous fêtez vos 10 ans donc bon anniversaire. Du coup, je voulais savoir comment est né le RISE festival ? Est-ce que tu t’es inspiré de l’IF4?

Il y a une quinzaine d’année, nous étions un petit groupe de potes reliés par la passion de la mouche. Nous avons créé un club dans l’idée de promouvoir la technique et surtout la philosophie de notre approche de la rivière. Nous avons donc animé durant quelques années le « Club Mouche de la Haute Vallée de la Loire ». Durant les longs mois d’hiver, les cours de montage de mouche, les leçons de casting et les heures à disserter sur la gestion de la pêche en France étaient entrecoupées de séances de projection de films sur un vieux drap ou un mur blanc crépis. C’était la grande époque des « Trout Bum Diaries » qui allaient lancer un nouveau genre de film : l’esprit des films de glisse à la pêche. En sirotant une petite bière devant ces images, je me suis rappelé le cinéma et les nuits de la glisse de mon adolescence. En sortant du ciné, je n’avais envie que d’une seule chose : chausser les skis !
L’image est un vecteur de rêve qui excite la passion et l’envie : pourquoi ne pas essayer de créer une nuit du film de pêche à la mouche comme une nuit de la glisse puisque l’esprit et la manière de filmer se retrouvaient ?

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Alors, j’ai fouiné un peu sur la toile et je suis rapidement tombé sur le concept-même qui avait traversé mon esprit. Le web est incroyable : si tu penses à un truc, il y a toujours un gars qui l’a pensé ou expérimenté avant toi… Nous étions en 2009.
Une société basée en Nouvelle-Zélande (Gin-Clear Media) produisait depuis trois ans un festival du film de pêche à la Mouche : exactement ce que je cherchais plus ou moins consciemment à créer. Avec un peu de culot et un anglais auvergnat, j’envoie sans trop y croire un mail. Le lendemain matin, en ouvrant ma boîte, un certain Nick Reygaert me répondait. Dix ans après, ayant traversé pas mal d’aventures humaines, le Festival a, je crois, pris une belle dimension.
Je rajoute deux petites anecdotes. En 2004, lorsqu’a été filmé le film déclencheur « Trout Bum Diaries » en Argentine, l’équipe des joyeux amerlocs qui nous ont tant fait rêver sur le crépi du mur, s’arrête dans un patelin pommé au fin fond de la Patagonie pour boire une bière. Le serveur du bar s’appelait Nick Reygaert et a vite abandonné son job pour suivre l’équipée du film. Après avoir passé une semaine en Nouvelle Zélande chez Nick il y a peu, c’est marrant de se dire que tu côtois les gars qui ont déclenché l’aventure : comme si la boucle était bouclée.
Enfin, l’IF4, festival nord-américain du film de pêche à la mouche est né bien après le Rise. Il faut d’ailleurs noter que l’IF4 a tenté de se développer sur les terres du Rise (en Nouvelle Zélande et en Australie) et que l’aventure a fait long feu pour eux. La différence tient aujourd’hui dans l’aspect qualitatif des projections. Nick est assez visionnaire dans le domaine puisqu’il faut savoir que les programmations du Rise diffèrent d’un pays à l’autre. Le Festival en Allemagne ne propose pas la même chose qu’en France ou en Australie. Je crois que le succès du Rise tient beaucoup à cette idée que chaque public est conditionné culturellement et émotionnellement. Ici en France par exemple, il nous faut de l’humain, du sentiment et de belles histoires en plus de belles images. Le spectateur anglo-saxon est, je crois, plus ému par le spectacle d’une belle baston, d’un gros poisson. C’est certainement caricatural mais on retrouve cette manière de traiter l’image d’une manière plus générale dans le cinéma ou dans les documentaires.

Combien de personnes participent à la sélection des films et qui sont-elles? Quels sont les critères pour qu’un film soit retenu? Concernant la promotion des films « made in France », est ce que le succès a été au rendez-vous?

L’an dernier, suite à la démission de deux prestataires privés sur lesquels je m’appuyais, l’organisation du Rise en France a pris un virage salvateur en revenant aux fondements associatifs : nous ne sommes pas là pour faire du fric. Depuis les débuts, mon objectif n’a d’ailleurs pas varié : le Festival est pour moi un puissant outil de communication et de sensibilisation sur la manière dont nous devons approcher l’eau et la rivière. Après m’être impliqué et usé pendant plus d’une quinzaine d’année dans les aappma du coin, je me suis dit que mon temps de bénévolat est aujourd’hui bien plus efficace avec le Rise pour faire valoir nos idées.
J’ai été rejoint par des personnes dont les motivations étaient identiques et qui chacune possède un domaine de compétence permettant de nous répartir la charge de travail : Steeve Colin, guide de pêche sur la Haute-Loire, Jean-Baptiste Faure connu dans le milieu pour son excellent blog auvergnat, Pierre Portmann excellent trésorier et excellent acteur (vous allez le découvrir très prochainement), et Sébastien Carlet, jeune globetrotter que j’ai connu alors qu’il n’était encore qu’un lycéen.
thumbnail_L'équipe JB Faure, Steeve Colin, P. Monatte, P. Portmann(2)
Notre organisation repose également sur le relais indispensable de personnes ou partenaires locaux : ils se reconnaitrons et nous tenons à les remercier parce que le festival ne pourrait pas exister sans eux.
Sous cette égide associative, nous avons donc décidé d’investir une part de nos bénéfices dans le soutien financier à des productions françaises. Lorsque nous avons lancé cet appel sur Facebook, j’ai reçu pas mal de demande et de renseignements en plus des sollicitations de réalisateurs qui nous avaient déjà fait confiance. Le Festival regroupe aujourd’hui une « famille » de réalisateurs tous pêcheurs à la base et qui, d’année en année, nous font confiance et en même temps contribuent à la notoriété et au développement de l’évènement. Nous sommes ainsi dans une relation gagnant/gagnant. Pour nos dix ans, nous sommes donc fiers de vous proposer cette année sept films français.
Cette idée de contribuer financièrement aux productions françaises ou francophones est certainement le moteur du succès et de la pérennité de l’évènement. Nos partenaires financiers ne font ainsi pas que du mécénat, ils participent indirectement à la concrétisation de projets de films prêchant la bonne parole : nous n’aurions pas pu aboutir à cette décision sans eux. Il en est de même pour le spectateur qui devient ainsi individuellement un peu plus qu’un simple spectateur.
Vous pouvez retrouver les critères de sélection et le mode de soumission des projets ici

Le RISE a su devenir un événement incontournable en France pour les moucheurs, est-ce que vous avez pour ambition de grandir au niveau européen?

L’an dernier, nous avons pu organiser pour la première fois une projection en Belgique et en Suisse. Notre organisation gère le Festival version langue française. Nous répondons donc aux sollicitations d’éventuels organisateurs sur la zone francophone : nous avons par exemple rajouté une date l’an dernier à Saint Pierre et Miquelon.
Le développement international est sous la gestion de Gin-Clear Media et de Nick Reygaert.
Notre ambition serait de pouvoir donner à tout moucheur la possibilité d’aller voir le festival à moins d’une heure et demi de chez lui : pour cela, il faut que nous arrivions à nous appuyer sur des partenaires locaux plus nombreux encore pour étendre le maillage de notre diffusion. Voici un lien pour connaître les conditions de diffusion et d’organisation d’une séance.

Personnellement, j’aime beaucoup le fait de rencontrer des gens de tout âge lors des projections, et surtout des gamins qui ont le sourire et qui s’émerveillent à la vue du spectacle. L’année passée, l’équipe du RISE a présenté les films à des collégiens. Quelles ont été leurs réactions, ce sont-ils sentis concernés par le respect des cours d’eau?

Effectivement, le Festival constitue d’abord un lieu de partage autour d’une même passion et chaque année, les groupes de potes aiment à se retrouver ensemble devant l’écran. C’est en même temps l’occasion de prolonger par une soirée festive.

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Pour nous, le Festival a aussi une valeur éducative : l’image touche les consciences mais affecte aussi l’inconscient. J’aime à parler de la dimension subversive de l’image. Fort de cette idée, nous avons testé l’an dernier, grâce à l’appui de notre conseil Départemental en Haute-Loire, une séance gratuite à destination de collégiens. A l’entracte, Steeve a expliqué le lancer de la mouche avec les concepts de physique et quelques gamins ont déroulé de la soie dans la salle de cinéma. Après la projection, nous avons proposé un petit débat/conférence autour des problématiques de l’eau avec en sous-jacent, nos comportements de consommation.
Nous avons été surpris par la qualité d’écoute et de participation des gamins. J’ai en tête des gamines de 13-14 ans la bouche ouverte, les yeux grands ouverts devant les images. Les enseignants encadrants ont eux aussi été séduits par le concept. Le meilleur témoignage est celui de cet enseignant d’une classe SEGPA : « Bravo pour la qualité de votre animation, pour la beauté du spectacle et un grand bravo pour avoir réussi à museler ma classe deux heures durant ! »
L’expérience est donc reconduite cette année au Puy-en-Velay, mais aussi à Aubenas grâce à la Fédération de Pêche d’Ardèche, à Beaurepaire grâce à Philippe Crouzet et son association Fishing Fever, et peut-être à Clermont Ferrand, tous ayant bien saisi la portée potentielle de cette idée.
Aujourd’hui, l’immense majorité de nos gamins est coupé de la nature et de ses réalités. Passant entre quatre et six heures par jour sur leurs écrans, ayant accès à toutes les activités possibles, nos ados ne savent plus ce qui les entoure, ce qu’est une rivière, ce qu’il y a dedans, et quelle est la relation entre nos comportements et ce qui est essentiel à la vie, à leur vie : l’eau.
Enfin, je me dis que si parmi tous ces gamins qui ont absorbé les images que nous proposons, une proportion même minime a tout d’un coup envie de prendre une canne à pêche comme j’avais envie de chausser mes skis à l’époque, alors nous n’avons pas perdu notre temps.

Que dirais tu aux personnes qui hésitent de venir au festival?

Simplement : tant pis pour vous !

La billetterie et les dates de projection, c’est par là!!