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Lorsque pour la première fois je pénétrais dans la boutique d’articles de pêche  « Chez Franck » sur le bord de la route 28, celle qui longe l’Esopus river dans les Catskills Mountains où j’habitais à l’époque, j’ouvris des yeux grands comme des boîtes de camembert. Le mur du fond de la boutique était couvert de photos Polaroïd (c’était dans les années 80 !) représentant des pêcheurs, surtout des gros, tenant entre leurs bras des poissons, surtout des gros. L’ensemble était saisissant, presque hallucinatoire. Toutes ces photos se ressemblaient à part les détails infimes comme la taille des poissons et la taille des moustaches des lascars. Je n’arrivais pas à lâcher mes yeux de ce panneau. Se mêlaient une envie de gerber devant ce spectacle de fin du monde, de meurtres en série, de massacres auprès desquels les peintures de Goya devenaient presque mièvres et, à l’inverse, un joyeux sentiment de découvrir une sorte de nouvel ” Art Populaire ” plein de naïveté et de non-dits. En filigrane, je pouvais y lire : « Regardez chers spectateurs, mon gros poisson/ ma grosse queue ! » 

Toujours est-il que, fort de cette découverte, je m’enfermais immédiatement dans mon atelier et mis en chantier une quinzaine de grandes peintures représentant des naïades orgasmiques avec, bien sûr, des gros poissons dans les bras. (Je préfère les gonzesses, c’est comme ça.) Et puis, rapidement je pris en dégoût ces photos de ces types exhibant leurs prises. Je ne pouvais plus les voir en peinture. Vulgaires, conventionnelles, laides à pleurer, surtout les « soi-disant belles » avec des couchers de soleil tartignols derrière des sourires béats . Terminé la lecture des magazines de pêche. Éteint, mon ordinateur quand une nouvelle vidéo sur la pêche apparaissait. Le dégoût, l’allergie, l’estomac au bord des lèvres.

Et puis, l’année dernière avec mes chers complices du Mouching, nous voilà au Belize ou rodent ces mythiques bonefish. Et bon Dieu, qu’est-ce qu’on rigole et qu’on fait les cons comme d’habitude jusqu’au moment où, certainement par le plus grand des hasards, je capture un de ces poissons de rêve, gros, luisant et ruisselant au soleil. Et mon coeur qui bat comme une charge de la cavalerie légère et le Cyril qui me prend en photo avec le bestiau. Et du coup, me voilà identique à tous les gros” beaufs” du mur de « Chez Franck ». Me voilà un des leurs et j’éprouve comme une fierté d’appartenir à cette famille de chanceux. Me voilà intronisé dans la grande tribu des Red necks .

il m’a fallu des longs mois pour que de nouveaux, ce genre de photos me donne la nausée. Aujourd’hui je ne peux pas en voir une  sans que mes poils se hérissent. “Dites, Cyril et Benoît, quand est-ce  qu’on retourne faire les cons au Belize ? »

Franks Fishing Store is on Route 28, the road that runs alongside the Esopus river in the Catskill Mountains (where I lived at the time). It was when I entered Frank’s for the first time that I saw them and my eyes popped open, round like boxes of Camembert. The wall at the back of the store was entirely covered with Polaroids (it was the 80”s) of  fishermen: especially big fishermen with especially big fish. The ensemble was striking; hallucinatory. All the photos looked alike; apart from trifling details like the size of the fish or the size of the mustache of the guys. I couldn’t take my eyes off of the photo wall. I felt a mixture of wanting to vomit before this spectacle of the end of the world, these serial killers, these massacres that makes the paintings of Goya seem almost cloying; while at the same time feeling the reverse: a happy feeling of discovering some sort of “folk art” filled with a naivety and the unspoken. Implicit in these photos I could read: “Observe dear spectator: my big fish/ my big dick.”

Whenever I have one of these great epiphanies, I quickly lock myself in my studio and get to work: two, four, a dozen huge paintings of orgasmic nymphs with, of course, big fish in their arms (what can I say, I have a preference for women).

And then very quickly, I am disgusted by the photos of guys showing off their “catch”. I can no longer bear to see then. I find them vulgar, conventional, ugly as sin, especially the supposedly “beautiful shots” with corny sunsets and beatific smiles. Cease and desist, no more reading fishing magazines. Extinguish the computer when a new fishing video comes up; I’m disgusted, allergic, nauseous.

Then last year we found ourselves, me and my buddies from le Mouching, in Belize where the mythic bonefish hang out. My god did we have fun, we didn’t stop messing around until the moment when, by sheer luck, I took one of these dram fish: big, dripping, glistening in the sun. My heart beating like the “charge of the light cavalry” while Cyril takes my photo with the beast.

Yes you got it: me too. Just like all the other clowns on the wall of Frank’s. There I am enthroned in the grand tribe of Rednecks.

It took a long time for those kinds of photos to, once again, make me nauseous. Today I can’t bear to seeone without my hair-raising.

“Hey,Cyril,Vilmo: how soon before we can go and mess around in Belize?”