Aujourd’hui, je ne chanterai pas l’acné juvénile des truites fario ni la dentition des bonefish, ni l’impolitesse légendaire des tarpons.

Et je sais que vous en êtes déjà chagrinés. Mais qu’importe, je serai inflexible. La raison, me demanderez-vous avec du courroux dans le regard ?

Eh bien, lisez et regardez bien ce qui suit je suis sûr que vous comprendrez aisément et me tresserez encore plus de lauriers après avoir fini.

Ce matin, par le plus grand des hasards, je tombe nez à nez avec les travaux d’un drôle d’oiseau. Son nom est William Hawkins (1895-1990 ).

En 1916, le William se tire en courant d’un mariage où il était invité à Columbus ( Ohio ). Il faut dire que certaines autres personnes invitées, peut-être légèrement éméchées, avaient dégainé leur revolver et, ça tirait dans tous les coins.

Et alors, William, pour survivre, se tape une flopée de petits boulots. Entraîneur de chevaux, conducteur du camion etc.

Et c’est dans les environs de 1930 que le démon de la peinture le pique. Il n’a aucune éducation d’Art classique, juste une folle envie de raconter sa vie de «black american «  avec de la méchante peinture industrielle sur des bouts de contreplaqué.

Et là, immédiatement, ça tient du miracle. Jusqu’à la fin de sa vie, il produira plus de 500 peintures et dessins d’une incroyable vigueur , verdeur et invention.

Un vrai artiste ? Tu parles, Charles ! Un des meilleurs, tu veux dire ! En regardant ses chefs-d’oeuvre, il est difficile de ne pas penser aux artistes majeurs du XXe siècle : tous les expressionnistes allemands, James Ensor, Gaston Chaissac, Kandinsky (dans sa jeunesse !) etc.

Et en 1975, il est enfin « découvert » par un autre artiste américain Lee Garret et enfin reconnu dans tout le pays par un grand nombre de collectionneurs avisés.

C’est drôle toutes ces productions que Jean Dubuffet dans les années 50, a appelé « L’Art Brut » ne cessent de m’enchanter et de me bouleverser.

Tous ces artistes en fait, n’en avaient rien à cirer de la reconnaissance, de la foutue carrière de merde et du pognon. Une seule chose les faisait vivre : raconter leur histoire le mieux possible. Et quelle grâce ! Des anges que ces types là , vous ne trouvez pas ?

J’en entends qui ronchonnent : « Tout ça c’est encore des trucs américains bla-bla-bla . »

Ce à quoi je réponds illico : « Erreur. Grossière erreur, Messieurs. L’art brut est chose internationale. Tiens, un exemple. Avez-vous déjà entendu parler d’un petit village dans la Drôme qui porte le nom de HAUTERIVE ? Non ? Eh bien je vous en conjure, allez traîner vos baskets par là-bas. Vous y découvrirez le plus beau monument français, monument de l’indépendance esprit, pied de nez à la culture bourgeoise bien-pensante et à l’Académie, bâtie au début du 20e siècle par un simple facteur à pied et à vélo. Un homme d’une imagination lumineuse, un artiste comme il n’y en a pas deux, j’ai nommé le facteur Ferdinand Cheval qui, pendant 30 ans a construit dans son jardin , l’immense, le glorieux «Palais idéal » fait de cailloux ramassés pendant sa tournée et d’un peu de ciment pour faire tenir le tout. Je n’en dirai pas plus. Mais si vous ne pleurez pas de bonheur à la vue d’un pareil miracle fabriqué par cet illuminé des bords des routes, je ne vous parle plus.

Merci 1000 fois M. William Hawkins, merci 1000 fois à vous les artistes.

Vous nous aidez à vivre presque autant que l’acné juvénile des truites et la dentition des bonefish.